La demande mondiale d'or a augmenté en 2016 malgré un fort ralentissement au dernier trimestre, les investisseurs institutionnels délaissant le métal en fin d'année alors que les particuliers y reprenaient goût, selon un rapport du Conseil mondial de l'or (CMO) publié vendredi.

La demande annuelle d'or est ressortie à 4309 tonnes l'an passé, en hausse de 2% par rapport à 2015, où elle avait atteint 4216 tonnes.

Sur les trois derniers mois de l'année, la demande d'or a en revanche reculé de 11% par rapport à l'année précédente, pour s'établir à 994,1 tonnes, diminuant à la fois dans la bijouterie (-15% à 2389 tonnes) et dans l'investissement.

Pourtant, «sur l'année, la demande des investisseurs a augmenté de 70%. Pendant les trois premiers trimestres, les investisseurs institutionnels se protégeaient du risque représenté par le Brexit, par les élections américaines», ce qui les a poussés à se tourner vers le métal précieux, a résumé auprès de l'AFP John Mulligan, un des responsables du Conseil mondial de l'or, fédération internationale qui réunit des producteurs d'or.

Mais au dernier trimestre, les investisseurs professionnels ont délaissé en masse les ETF (fonds d'investissements adossés à des stocks physiques) après l'élection de Donald Trump, préférant au métal jaune des actifs plus risqués. L'intérêt ravivé des particuliers pour l'or en lingots et en pièces n'a pas suffi à retourner la tendance.

La demande venue des ETF équivaut ainsi à 532 tonnes d'or sur l'année, malgré une baisse de 193 tonnes au quatrième trimestre.

La démonétisation pèse sur la demande indienne

«En Chine comme aux États-Unis, les investisseurs particuliers ont cherché à acheter de l'or. Ils étaient à la fois motivés par la baisse des prix entraînée par les sorties des fonds, et par le risque géopolitique généré par l'élection de Donald Trump», a expliqué John Mulligan.

Outre l'élection de Donald Trump, qui a menacé de mener une politique commerciale agressive vis-à-vis de la Chine, les investisseurs du plus grand consommateur d'or au monde ont cherché la sécurité alors que le risque d'une bulle immobilière plane sur le marché chinois.

En revanche, la demande indienne n'a pas rebondi au quatrième trimestre, entravé par les mesures gouvernementales prises début novembre pour retirer 24 milliards de billets de la circulation au nom de la lutte contre la corruption.

«Quand le gouvernement a lancé ses mesures de démonétisation, il y a eu un pic des achats, mais quand les acheteurs ont digéré l'information, le marché est plus ou moins passé au point mort, et nous nous attendons à ce qu'il reste morne jusqu'à nouvel ordre», a prévenu John Mulligan.

Sur l'année, la Chine reste le premier consommateur mondial, à 914 tonnes, suivi par l'Inde (676 tonnes) et les États-Unis (212 tonnes).

Le président Erdogan dope la consommation turque

Quant au reste du monde, en Europe, si la demande d'or physique a baissé de 9% à 272 tonnes sur l'année, elle a augmenté en Allemagne, le plus gros marché du continent, au quatrième trimestre, de 9% à 40,3 tonnes.

John Mulligan souligne que les investisseurs institutionnels se sont d'ores et déjà tournés vers les ETF pour se préserver du risque géopolitique que représentent les élections à venir, et que leur demande est en hausse en Europe en janvier, même si ces données ne sont pas encore disponibles.

En revanche, «en Turquie, la demande des consommateurs a atteint son plus haut niveau depuis fin 2010 au quatrième trimestre (à 27 tonnes) après un appel du président Erdogan à acheter de l'or», a souligné John Mulligan.

Début décembre, Recep Tayyip Erdogan a exhorté ses concitoyens à convertir leurs devises étrangères en livres turques et en or, alors que la devise nationale a atteint son plus bas historique début janvier.

La demande a reculé de 27% au Moyen-Orient, pour atteindre 211 tonnes. Dans cette région où la bijouterie représente l'essentiel de la consommation, la baisse des prix du pétrole a pénalisé le pouvoir d'achat.

Enfin, la demande d'or des banques centrales a fortement reculé en 2016. «Alors que leurs réserves de devises sont en baisse, les banques centrales ont diminué leurs achats, qui se sont établis à 384 tonnes sur l'année», a commenté le CMO dans un communiqué.