L'Égypte espère qu'un prêt de 12 milliards de dollars du FMI lui permettra de relancer son économie en lambeaux, mais en échange les autorités devront adopter des réformes drastiques ignorées durant des décennies pour éviter la grogne sociale.

Le conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) doit encore avaliser «dans les prochaines semaines» un accord préliminaire annoncé jeudi au Caire, pour un prêt s'étalant sur trois ans.

En contrepartie, les autorités devront toutefois dévaluer la livre et réduire les coûteuses subventions publiques -7,9% des dépenses du gouvernement selon le ministère des Finances - allouées entre autres à l'électricité et à l'essence.

«Toutes les décisions difficiles que beaucoup ont eu peur de prendre au fil des dernières années, je n'hésiterai pas une seconde à les prendre», a mis en garde samedi le président Abdel Fattah al-Sissi.

Le prêt est vital pour l'Égypte: plus de cinq ans après la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir, l'économie reste affectée par l'instabilité politique et les violences qui ont chassé les investisseurs étrangers.

Le secteur clé du tourisme a connu son coup de grâce avec les attentats jihadistes qui se sont multipliés depuis la destitution par l'armée du président islamiste Mohamed Morsi en 2013.

Et dans un pays où une grande partie de la population dépend du pain subventionné et où même les biens de première nécessité comme le blé sont importés, la pénurie de devises étrangères a fait exploser les prix, entraînant une chute du pouvoir d'achat.

Les autorités ont déjà présenté un ambitieux programme de réformes économiques.

L'objectif est de réduire le déficit budgétaire (près de 13% du Produit intérieur brut), en coupant d'une manière drastique les coûteuses subventions pour l'énergie et en augmentant les revenus de l'État en instaurant la TVA.

Le programme prévoit une politique de change «plus flexible», selon la Banque centrale, alors que le gouvernement maintient le taux de change à 8.8 livres pour un dollar, un niveau bien inférieur au prix du marché noir.

Le prêt du FMI devrait permettre aux autorités de couvrir une partie des 21 milliards de dollars (18,6 milliards d'euros) dont le gouvernement a besoin pour ses dépenses des trois années à venir, selon le ministre des Finances Amro Al-Garhi. Le reste de cette somme devrait être comblé par des prêts contractés auprès d'autres institutions financières ou des obligations internationales.

«Bouffée d'oxygène»

Le prêt du FMI permettra aux autorités de mieux gérer la chute des réserves de change, tombées à 15,5 milliards de dollars fin juillet. Cette chute inquiète Le Caire qui doit verser 4,4 milliards de dollars (3,9 milliards d'euros) en intérêts sur sa dette d'ici à juillet 2017, selon une étude de Prime Holding, une banque d'investissement égyptienne.

Mais pour l'économiste Ahmed Kamaly, si le prêt du FMI représente «une bouffée d'oxygène, un calmant» pour une économie en crise, il ne peut en aucun cas constituer «une solution sur le long terme».

Les autorités n'ont pas de «véritable programme de réformes», mais vont simplement adopter «une série de mesures dont l'objectif est de stabiliser l'économie», estime ce professeur de l'Université américaine du Caire.

L'ancien ministre des Finances égyptien Samir Radwan juge «nécessaire» le prêt du FMI: «On ne pourra pas payer les intérêts sur la dette extérieure si on ne l'obtient pas».

«Mais il faut placer une partie de cet emprunt dans des investissements qui seront rapidement rentables», souligne-t-il alors que le gouvernement a d'autres engagements financiers.

L'Égypte compte une administration pléthorique: 5,8 millions de fonctionnaires et quelque 800 000 employés travaillant dans des entreprises publiques sur un total de 26 millions de salariés.

Samedi, le président Sissi n'a pas hésité à critiquer ce fardeau.

«Si je nomme 900 000 fonctionnaires en raison des pressions sur le marché de l'emploi alors que je n'ai pas besoin d'eux, quel serait l'impact?».

Pour des experts, le gouvernement doit s'assurer que les plus défavorisés ne paient pas le prix de réformes économiques qui risquent d'attiser la grogne sociale.

«Selon des statistiques officielles, 27% de la population vit sous le seuil de la pauvreté, et 20% est menacée de pauvreté: pour qu'ils supportent une nouvelle inflation, il faut les convaincre que les riches payent plus», met en garde Chérine Al-Chawarbi, économiste de l'Université du Caire.

«Des mesures doivent être prises pour mettre les riches à contribution».