Dans un geste historique, l'Inde vient d'adopter un plan ambitieux visant à instaurer une nouvelle taxe unique sur les biens et services, qui remplacera l'actuel système de taxation cauchemardesque de la deuxième économie asiatique.

Plus qu'une simple amélioration du régime fiscal, ce nouveau coup de barre du premier ministre Narendra Modi marque un virage majeur qui fera du géant indien un « marché unique » de 1,2 milliard d'habitants, selon le gouvernement.

Du coup, l'Inde fera un pas de géant dans sa tentative de rattraper son grand rival, la Chine. Voici pourquoi.

Une seule taxe

Le Parlement indien a adopté mercredi un projet d'instaurer une TVA unique, « la plus importante réforme fiscale depuis l'indépendance », selon New Delhi, qui remplacera ainsi une myriade de taxes fédérales et locales - 17 en tout. 

Avec cette réforme, l'Inde deviendra « un seul grand marché », a déclaré le ministre des Finances, Arun Jaitley.

La partie n'est pas encore gagnée cependant, car la nouvelle TVA, au taux prévu de 18 %, doit être ratifiée par au moins la moitié des 29 Parlements régionaux avant d'entrer en vigueur.

En plus, la mise en place du nouveau système est une tâche colossale qui prendra des mois à réaliser. Si bien que la nouvelle taxe ne verra pas le jour avant la mi-2017 « au plus tôt », estime la Banque HSBC.

Fini, les files de camions

En se substituant aux multiples taxes en vigueur et en étant prélevée sur la consommation, la TVA unique « favorisera l'industrialisation du pays », soutient le gouvernement.

Comment cela est-ce possible ?

Suffit de savoir qu'actuellement, un produit sortant d'une usine dans un État indien, transformé dans un deuxième puis vendu dans un troisième, est davantage taxé qu'un produit importé.

En plus, les transporteurs routiers doivent patienter des heures, voire des jours aux péages de chaque État (29 en tout) pour s'acquitter des droits d'entrée... et payer au besoin des pots-de-vin, déplorent les milieux d'affaires.

En une journée, les camions indiens n'effectuent en moyenne que le tiers de la distance parcourue aux États-Unis, ce qui hausse les coûts et les délais de livraison, affirme un rapport indépendant remis en décembre au premier ministre.

Des experts avancent que la nouvelle TVA pourrait doper de 2 % la croissance déjà très forte du pays. « La consommation va augmenter, la production va augmenter, de même que les investissements », a prédit le milliardaire Adi Godrej, à la tête du conglomérat diversifié Godrej Group.

Les réformes se multiplient

La nouvelle TVA donnera ainsi un nouvel élan à la stratégie industrielle « Make in India », lancée par Modi peu après son arrivée au pouvoir, en mai 2014. Malgré quelques échecs politiques depuis un an, celui-ci multiplie les réformes économiques depuis peu.

New Delhi a dévoilé à la fin de juin des mesures pour faire du pays « le plus ouvert du monde aux investissements directs étrangers [IDE] ».

Pour accroître l'attractivité indienne, on a simplifié les procédures et relevé les seuils d'investissements étrangers dans divers secteurs, dont l'agroalimentaire, la télévision et la téléphonie portable.

Le géant Apple sera un grand bénéficiaire de ces changements, lui qui convoite ce marché où les ventes de téléphones intelligents augmentent le plus rapidement au monde.

Une autre réforme, annoncée encore en juin, vise le secteur aérien. Seuls 80 millions d'Indiens ont pris l'avion en 2015. Or, Delhi veut attirer plus de passagers en améliorant les dessertes régionales et en plafonnant les prix.

L'Inde construira aussi des aéroports - de 50 à 80 en trois ans - et compte exploiter les aérogares actuelles toutes neuves, mais désespérément vides.

Bref, l'Inde semble avoir retrouvé un nouveau souffle. Et ses concurrents asiatiques devront protéger leurs arrières.

L'écart se rétrécit entre la Chine et l'Inde

Grâce à une consommation soutenue et aux investissements étrangers, l'économie indienne a crû de 7,9 % (taux annualisé) au premier trimestre 2016 - la meilleure performance du G20.

La Chine, qui filait à un rythme de 10 % ou plus au début des années 2000, a ralenti et se contentera d'une croissance de 6,3 % cette année, selon les estimations du FMI. Elle était de 6,7 % au premier trimestre 2016, selon le Bureau national des statistiques de Chine.

L'Inde rattrape donc peu à peu sa grande rivale asiatique, qui garde néanmoins une bonne longueur d'avance. Voici quelques repères de la Banque mondiale :

- L'économie (PIB) de la Chine est cinq fois plus grande que celle de l'Inde (10 000 milliards US contre 2000 milliards US) ;

- Le PIB par personne chinois éclipse aisément celui de son concurrent indien (3800 $US contre 1200 $US) ;

- Le taux de pauvreté en Inde est aussi presque deux fois plus élevé : 21,7 %, contre 11,2 % en Chine.

Reste qu'au rythme actuel et avec sa population plus jeune, l'Inde se rapprochera rapidement de la Chine d'ici 2050 sur le plan économique, prédit PwC dans une étude parue l'an dernier.

Photo archives Agence France–Presse

Actuellement, il existe 17 taxes locales et fédérales sur l'ensemble du territoire indien.

Photo archives Agence France–Presse

Les transporteurs routiers doivent patienter des heures, voire des jours aux péages de chaque État indien (29 en tout) pour s’acquitter des droits d’entrée.