Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a annoncé mercredi un plan de relance massif, première séquence d'une partie qui se joue cette semaine avec la Banque du Japon pour fortifier une troisième économie mondiale en petite forme.

Le montant est en apparence impressionnant: plus de 28 000 milliards de yens (350 milliards de dollars CAD). «Il s'agit de soutenir la demande intérieure et de s'assurer du redressement de l'économie», a déclaré Shinzo Abe à l'occasion d'un discours à Fukuoka, dans le sud-ouest de l'archipel.

De plus amples détails devraient être fournis la semaine prochaine à l'occasion de la validation du programme par le gouvernement.

Mais déjà, les économistes faisaient part de leur scepticisme. «En réalité, ce n'est pas un chiffre très significatif car il compile toutes sortes de mesures existantes et des garanties de crédit pour des programmes d'infrastructures qui s'étendent sur plusieurs années», a commenté Martin Schulz, économiste chez Fujitsu Research Institute, contacté par l'AFP.

Les dépenses budgétaires directes et immédiates de l'État devraient se réduire, selon ses estimations, à «quelque 2000 milliards de yens, ce qui aura certes un impact positif sur l'économie», souligne-t-il, mais pas au point de lui redonner la vigueur promise par M. Abe à son retour au pouvoir fin 2012.

«Le gouvernement a étendu la taille du plan de manière superficielle», a renchéri Satoshi Osanai, de l'Institut de recherche Daiwa, jugeant que «ce ne serait pas suffisant».

Le premier ministre conservateur a lancé une ambitieuse stratégie dite «abenomics», mêlant largesses budgétaires, politique monétaire accommodante et promesse de réformes structurelles. Mais après des débuts encourageants, les résultats sont très mitigés et les statistiques médiocres se succèdent mois après mois, avec une consommation des ménages anémique et une déflation persistante.

La tâche a été compliquée ces derniers mois par les soubresauts internationaux, du ralentissement des marchés émergents à la récente décision des Britanniques de quitter l'Union européenne (Brexit) qui a résulté en une appréciation accrue du yen, valeur refuge prisée en période d'incertitudes.

Or ce regain pénalise durement l'économie japonaise et les grands groupes exportateurs, nombreux cet été à blâmer les devises pour justifier des résultats trimestriels en recul.

Le dilemme de la Banque du Japon

Dans ce contexte, M. Abe avait décidé début juin de reporter une hausse de la TVA prévue au printemps 2017 pour ne pas mettre en danger la fragile reprise. Puis, au lendemain de la large victoire de sa coalition aux sénatoriales du 10 juillet, faute d'opposition crédible, il avait juré de mettre les bouchées doubles. D'où cette annonce.

Elle était attendue plus tard, sous un format plus classique de conférence de presse à grande audience à Tokyo, mais le chef de l'exécutif a, semble-t-il, hâté le processus dans le but d'adresser un message à la banque centrale, qui entame jeudi une réunion de deux jours, notaient des observateurs.

«M. Abe renvoie la balle dans le camp du gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda», estime ainsi Frederic Neumann, analyste de HSBC Holdings à Hong Kong, interrogé par l'agence Bloomberg News. «La pression repose désormais sur les épaules de la banque centrale».

Avant même que ce plan ne soit dévoilé, 80% des économistes sondés par Bloomberg News misaient sur un assouplissement de la politique monétaire, dans la foulée du Brexit.

Plusieurs options sont évoquées. Certains envisagent une expansion ou des ajustements de son vaste programme d'achat d'actifs, principalement des obligations d'État (80 000 milliards de yens par an). D'autres évoquent un abaissement du niveau des taux négatifs, instaurés fin janvier pour tenter d'inciter les banques à prêter de l'argent aux ménages et entreprises plutôt que de le déposer dans ses coffres.

«La Banque du Japon est à un moment particulièrement difficile», résume Martin Schulz. «La politique monétaire apparaît inefficace pour vaincre la déflation, les taux négatifs sont très impopulaires mais, en même temps, ne rien faire paraît peu envisageable».

Le gouverneur a catégoriquement rejeté à plusieurs reprises l'idée d'un «hélicoptère monétaire», qui consisterait à verser en coordination avec le gouvernement de l'argent aux consommateurs. Pourrait-il une nouvelle fois surprendre? Verdict vendredi.