Les ministres des Finances de la zone euro ont ouvert lundi la voie à la poursuite de l'aide financière à la Grèce en saluant les dernières réformes menées par Athènes, et ont promis un accord sur l'allègement de la dette fin mai.

«C'était un très bon Eurogroupe pour la Grèce et pour l'Europe», s'est réjoui le ministre grec des Finances, Euclide Tsakalotos, à l'issue de cette réunion extraordinaire des 19 grands argentiers de la zone euro à Bruxelles.

Après des mois de surplace, les négociations entre la Grèce et ses créanciers (UE, FMI) semblent enfin avancer.

Elles devraient déboucher le 24 mai, lors de la prochaine réunion des ministres des Finances de la zone euro, sur la conclusion tant attendue de la première évaluation des réformes entreprises par Athènes depuis l'été 2015.

Ce satisfecit, notamment sur la réforme des retraites tout juste votée, était la condition sine qua non pour le versement d'une nouvelle tranche de prêt d'au moins 5,4 milliards d'euros dans le cadre du gigantesque troisième plan d'aide de 86 milliards d'euros décidé dans la douleur en juillet 2015.

Le pays n'a reçu à ce jour que 21,4 des 86 milliards promis, et il doit faire face à une échéance de remboursement de quelque 2,2 milliards à la Banque centrale européenne le 20 juillet.

Saluant l'adoption par le Parlement hellène, dans la nuit de dimanche à lundi, de la loi refondant le système des retraites, le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a estimé qu'«elles ouvraient la voie à l'achèvement réussi de la première évaluation des mesures entreprises par la Grèce». 

«Toutes les conditions remplies» 

Également au menu de la réunion du 24 mai: un accord à atteindre sur une série de mesures supplémentaires qui pourraient être réclamées à Athènes en cas de non-respect de l'objectif d'un excédent budgétaire primaire (avant paiement des intérêts de la dette, ndlr) à 3,5% du PIB en 2018.

Pour son premier ministre de gauche Alexis Tsipras, la Grèce a réussi sur ce point à rallier à sa cause les 18 autres membres de la zone euro.

«L'Eurogroupe a approuvé la proposition grecque pour la création d'un mécanisme automatique, activé dans le cas où les objectifs budgétaires du programme ne sont pas atteints», a-t-il souligné dans un communiqué.

«Il n'y a eu aucune demande pour que la Grèce légifère sur des mesures préventives (...) Dans les prochains jours, la partie grecque et les institutions vont en finir avec les détails techniques pour arriver à un accord», a-t-il observé.

Enfin, troisième point positif pour la Grèce: ses créanciers visent un accord le 24 mai sur l'allègement de sa dette, qui s'élève à près de 180% du PIB, soit le plus haut niveau de toute la zone euro.

«Pour la première fois les étapes nécessaires à l'allégement de la dette sont précisées et définissent un processus spécifique à court, moyen et long terme», s'est félicité M. Tsipras.

Athènes réclamait ce geste à cor et à cri, soutenu par le FMI. L'institution établie à Washington a toujours insisté sur le fait que pour être viable pour la Grèce, le programme de réformes réclamées à ce pays devait s'accompagner d'un allègement de son fardeau.

En revanche, l'Allemagne, son premier créancier, s'y était opposée.

M. Dijsselbloem a précisé que la question de la soutenabilité de la dette grecque sur le long terme ne serait abordée qu'à la fin du troisième plan d'aide qui court jusqu'à la mi-2018, si cela était nécessaire.

«Il y a deux lignes rouges», a-t-il dit, rappelant qu'un «haircut» (réduction nette du montant de la dette) était exclu et que chacun devait continuer de respecter les termes de l'accord de l'été 2015.

Selon le ministre français Michel Sapin, «tout le monde a reconnu les efforts considérables» de la Grèce, notamment «les dernières réformes encore votées ce week-end».

«Nous avons conclu qu'aujourd'hui la Grèce remplissait toutes les conditions que nous avions posées pour la mise en oeuvre d'un programme d'aide», a insisté M. Sapin.

L'«insoutenable» dette grecque, une question toujours en suspens

(Céline Le Prioux, Bruxelles) L'épineuse question de la dette grecque et de son allègement devait être au coeur des discussions lundi entre le gouvernement d'Alexis Tsipras et ses principaux créanciers, l'UE et le FMI.

QUESTION: À combien s'élève la dette grecque ?

RÉPONSE: Selon des chiffres diffusés le 21 avril par l'Office fédéral des statistiques, Eurostat, la dette grecque s'élevait en 2015 à 311,4 milliards d'euros (un euro = 1,47$ CAD).

Elle représentait 176,9% du Produit intérieur brut (PIB) du pays, selon la même source, un record parmi les 28 États membres de l'UE.

Selon les prévisions de printemps de la Commission européenne du 3 mai dernier, elle devrait monter à 182,8% du PIB cette année, pour redescendre à 178,8% en 2017.

Ces chiffres posent la question de la «soutenabilité» de la dette grecque. Le service de la dette, c'est-à-dire les intérêts versés année après année aux créanciers, «mange» une grosse partie des ressources financières du pays, l'empêchant d'investir et bridant la croissance.

La question de la dette est donc un enjeu capital pour le pays.

Q: Qui détient la dette grecque ? Quand doit-elle être remboursée ?

R: Le FESF (Fonds européen de stabilité financière) est le premier créancier du pays, il détient plus de 40% de la dette. Mis sur pied en 2010 pour venir en aide aux pays de la zone euro en difficulté, ce fonds a prêté à la Grèce 130,9 milliards d'euros en plusieurs tranches.

Cet argent a été levé sur le marché par le FESF, mais les pays de la zone euro ont apporté des garanties d'un montant équivalent, chacun proportionnellement au poids de son économie dans le bloc monétaire. L'Allemagne, première économie de la zone euro, est engagée à hauteur de près de 40 milliards d'euros, devant la France avec près de 30 milliards, suivies de l'Italie, Espagne, etc.

Depuis l'accord à l'été 2015 sur un troisième plan d'aide de 86 milliards d'euros, le Mécanisme européen de stabilité (MES), a pris le relais du FESF comme organisme prêteur. Jusqu'à présent il a versé à la Grèce 21,4 milliards, soit environ 25% du total promis.

Il lève des fonds sur le marché et est doté de 500 milliards d'euros de capacité de prêts. Là encore la plus grande contribution revient à l'Allemagne, en vertu de son statut de première économie de la zone euro.

Outre ces garanties, les partenaires de la Grèce en zone euro ont déboursé 52,9 milliards d'euros sous forme de prêts bilatéraux lors d'un premier plan d'aide au pays, en 2010. Là aussi la clé de la répartition par pays est le poids de l'économie dans l'espace de la monnaie unique, ce qui fait encore de l'Allemagne le créancier numéro un.

La Banque centrale européenne, qui a acheté à partir de 2010 des obligations grecques sur le marché, en détenait fin 2015 pour une valeur nominale de 14,6 milliards d'euros, selon un porte-parole de la BCE. La prochaine échéance de remboursement pour la Grèce est le 20 juillet prochain, où elle devra verser 2,2 milliards d'euros à l'institution basée à Francfort.

La Grèce doit encore rembourser 14,5 milliards d'euros au Fonds monétaire international (FMI), qui était associé aux deux premiers plans d'aide des Européens et négocie encore sa participation au troisième, selon un porte-parole de l'institution basée à Washington.

Le reste de la dette, sous forme d'obligations, est détenu par des acteurs de marché, essentiellement des banques.

Q: Que s'est-il passé jusqu'ici en terme d'allègement de la dette ?

R: En mars 2012, la Grèce a vu 53,5% de ses dettes auprès des créanciers privés, tels que les banques, effacées. Une réduction correspondant à environ 107 milliards d'euros.

S'ils ont exclu toute réduction nette du montant de la dette (ou «haircut»), les créanciers publics ont consenti à différents aménagements, à savoir des taux plus avantageux ou des allongements d'échéance.

Ainsi les taux d'intérêt des crédits accordés par les pays de la zone euro dans le cadre du premier plan d'aide ont été constamment réduits jusqu'à novembre 2012.

Dans le cadre du deuxième plan d'aide de 2012, il a été décidé, pour tous les crédits accordés par le FESF, que les remboursements et le paiement des intérêts n'interviendraient qu'à partir de 2023.

Les maturités des crédits accordés dans le cadre du premier plan ont été aussi progressivement jusqu'en 2012 allongées à 30 ans, et dans le cadre du second, elles sont passées de 17,5 à 32,5 ans. En l'état actuel des choses, Athènes devrait achever de rembourser les deux premiers plans d'aide en 2054.

Pour le troisième plan d'aide, les durées des maturités sont en moyenne de 32,5 ans.