«À ce stade» des négociations, «la France dit non» au traité de libre-échange atlantique (Tafta ou TTIP), a prévenu mardi François Hollande, car «nous ne sommes pas pour le libre-échange sans règle».

«À ce stade» des négociations, «la France dit non» au traité de libre-échange atlantique (Tafta ou TTIP), a prévenu mardi François Hollande, car «nous ne sommes pas pour le libre-échange sans règle».

«Jamais nous n'accepterons la mise en cause des principes essentiels pour notre agriculture, notre culture, pour la réciprocité pour l'accès aux marchés publics», a déclaré le chef de l'État en clôture du colloque «La gauche au pouvoir», à Paris, à l'occasion du 80e anniversaire du Front populaire.

«Nous avons posé des principes dans le cadre des négociations commerciales internationales. Je pense aux normes sanitaires, alimentaires, sociales, culturelles, environnementales», a-t-il dit.

«Voilà pourquoi, à ce stade, la France dit non dans l'étape que nous connaissons des négociations commerciales internationales», a lancé le président de la République sous les applaudissements des participants à ce colloque organisé par la Fondation Jean-Jaurès.

L'arrêt des négociations est aujourd'hui «l'option la plus probable»

Le secrétaire d'État français au Commerce extérieur, Matthias Fekl, a assuré mardi que l'arrêt des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique (Tafta ou TTIP) était aujourd'hui «l'option la plus probable», en raison de «l'état d'esprit des États-Unis».

«Au vu de l'état d'esprit aujourd'hui des États-Unis, cela semble l'option la plus probable», a affirmé le secrétaire d'État à l'antenne de la radio Europe 1, interrogé sur un éventuel arrêt des négociations, après la publication par Greenpeace de 248 pages de documents prouvant, aux yeux de l'ONG, l'étendue des conséquences néfastes sur la santé et l'environnement.

«Je dénonce depuis un an l'attitude (des États-Unis)», a-t-il insisté. «Nous voulons de la réciprocité. L'Europe propose beaucoup et elle reçoit très peu en échange. Ce n'est pas acceptable», a affirmé M. Fekl, jugeant que l'accord n'était aujourd'hui «absolument pas» acceptable «en l'état».

«C'est un accord qui, tel qu'il serait aujourd'hui, serait un mauvais accord», a-t-il insisté, assurant avoir été «le seul membre d'un gouvernement (européen) à tirer la sonnette d'alarme dès 2015».

M. Fekl a d'ailleurs laissé entendre que Paris ne se laisserait pas imposer un traité contre sa volonté. «Il ne peut pas y avoir d'accord sans la France, et encore moins contre la France», a-t-il martelé.

Il a énuméré certaines conditions pour trouver un terrain d'entente avec Washington. «Nous souhaitons que nos PME aient accès au marché américain. Nous souhaitons défendre l'agriculture, les indications géographiques», a-t-il expliqué.

Le secrétaire d'État a également exigé le respect des normes environnementales. «Cela n'aurait aucun sens d'avoir fait la (conférence mondiale sur les changements climatiques, NDLR) Cop 21 en décembre à Paris, ce superbe accord pour l'environnement, et de signer quelques mois après un accord qui viendrait le détricoter», a-t-il affirmé. «Le commerce n'est pas un but en soi, c'est un outil», a-t-il martelé.

Quant au principe de précaution, défendu par les Européens, M. Fekl s'est déclaré convaincu que «les Américains ne veulent pas en entendre parler. Nous en sommes là dans des négociations qui sont totalement bloquées», a-t-il ajouté.

Greenpeace a publié lundi des documents confidentiels sur ces discussions qui renforcent, selon les ONG, la crainte que cet accord commercial conduise à une déréglementation généralisée au profit des grandes entreprises.

Négocié dans le plus grand secret depuis mi-2013, l'accord TTIP, également appelé Tafta, vise à supprimer les barrières commerciales et règlementaires de part et d'autre de l'Atlantique pour créer une vaste zone de libre-échange censée doper l'activité économique.

Le TTIP, traité en eaux troubles

(JEREMY TORDJMAN, WASHINGTON) - Le TTIP verra-t-il le jour? D'après les coulisses des négociations dévoilées lundi, l'accord de libre-échange entre Américains et Européens n'est encore qu'un lointain horizon alors que le scepticisme grandit de part et d'autre de l'Atlantique.

Engagés dans d'épineuses discussions commerciales depuis mi-2013, Bruxelles et Washington ont très vite tenté de minimiser la portée des documents révélés par Greenpeace, en déplorant un «malentendu» et en dénonçant des interprétations «erronées» fondées sur des textes dépassés.

Mais le fait est là: en dépit du volontarisme du président américain Barack Obama qui espère boucler les discussions d'ici à la fin de l'année, un succès semble de moins en moins acquis.

«L'élément le plus frappant de ces fuites n'est pas leur contenu précis, mais le fait que les deux parties sont encore très éloignées l'une de l'autre dans les négociations et que des questions centrales restent en suspens», affirme à l'AFP Edward Alden, du Council on Foreign Relations, un think tank de Washington.

Avec le TTIP, également baptisé Tafta, l'Union européenne et les États-Unis veulent éliminer leurs barrières douanières et règlementaires, mais les sujets de dissensions ne manquent pas, tant sur l'ouverture des marchés que sur le principe de précaution ou les modalités du mécanisme de protection des investisseurs voulu par Washington.

À l'issue de leur 13e round de discussion la semaine dernière, les négociateurs des deux blocs ont, comme de coutume, vanté un dialogue «constructif» et des avancées, mais une certaine irritation pointait côté européen sur le refus américain d'ouvrir à la concurrence ses marchés publics, notamment locaux.

«Nous devons atteindre le même niveau de progrès dans l'accès aux appels d'offres que sur les droits de douane et les services afin de rapprocher les négociations de leur terme», avait affirmé Ignacio Garcia Bercero, le négociateur en chef de la Commission européenne.

Élections à risques

Le temps est toutefois compté. Ardent défenseur du TTIP, le président Obama quittera la Maison-Blanche en janvier et son successeur qui sera désigné en novembre pourrait être moins enclin à promouvoir le libre-échange, devenu un véritable épouvantail politique aux États-Unis.

La situation n'est guère plus dégagée en Europe. «Si l'accord ne peut être conclu sous l'administration Obama, de futurs progrès devront sans doute attendre les différentes élections en Europe en 2017», assure à l'AFP Mark Wu, professeur de droit à Harvard et ancien cadre de la Représentation américaine au commerce extérieur (USTR).

L'année prochaine, des élections générales se tiendront ainsi dans les deux principales puissances européennes, l'Allemagne et la France, où le débat sur le TTIP est déjà le plus vif et pourrait embraser la campagne.

Le scepticisme semble avoir déjà gagné les dirigeants français, augurant mal d'une éclaircie dans les négociations. En l'espace d'une semaine, le premier ministre Manuel Valls et le président François Hollande ont durci le ton et promis de s'opposer à un accord en l'absence de «garanties» sur l'environnement ou l'agriculture.

Berlin est également monté au créneau, prédisant un «échec» des négociations si les États-Unis ne faisaient pas plus de concessions. Et la possible sortie de la Grande-Bretagne de l'UE, qui sera tranchée par référendum le 23 juin, n'arrange rien.

«C'est une période d'immense incertitude pour les politiques commerciales aux États-Unis comme en Europe», souligne M. Alden.

Les fuites livrées par Greenpeace risquent par ailleurs de raidir encore davantage les positions, notamment dans la société civile. «Cela sera plus compliqué d'essayer d'aplanir les différences» entre les deux camps, prédit M. Wu.

Dans le sillage de leurs homologues européennes, l'organisation écologiste américaine Sierra Club a, de fait, fustigé un accord qui va dans «le mauvais sens de l'Histoire» tandis que l'ONG Public Citizen voyait dans les fuites la confirmation de l'«énorme pouvoir» donné aux multinationales.

Ce n'est pas le premier accroc rencontré par le TTIP, qui avait déjà souffert en 2014 des révélations sur l'espionnage généralisé de la NSA américaine en Europe.

Mais le présent obstacle semble plus imposant et pourrait conduire à revoir à la baisse les ambitions du traité, même si Washington et Bruxelles se disent opposés à un TTIP «au rabais».

«Les deux côtés préféreront toujours un TTIP 'light' à un échec complet», prédit M. Alden.

Washington croit à un accord «ambitieux» malgré des «différences»

WASHINGTON - L'administration américaine a assuré mardi à l'AFP avoir bon espoir de parvenir à un accord de libre-échange TTIP «ambitieux» avec l'Union européenne malgré des «différences» et la frustration croissante affichée par les autorités françaises.

«Nous sommes convaincus d'être bien partis pour parvenir à un accord TTIP ambitieux qui reflète les intérêts et les valeurs démocratiques de l'UE et des États-Unis», a déclaré à l'AFP Trevor Kincaid, porte-parole de la Représentation américaine au Commerce extérieur (USTR) qui mène les négociations avec la Commission européenne.

La France a durci le ton sur cet accord de libre-échange en discussion depuis mi-2013, le président François Hollande assurant mardi qu'il rejetterait le texte «à ce stade» tandis que son secrétaire d'État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, menaçait d'un arrêt pur et simple des négociations.

«C'est important de se rappeler que nous sommes en plein milieu des négociations et que les deux parties travaillent encore pour aplanir les différences», a répondu M. Kincaid dans un courriel.

Alors que le TTIP suscite des craintes croissantes de dérégulation généralisée, l'exécutif américain a également tenu à affirmer que cet accord protégerait «les consommateurs, les travailleurs et l'environnement».

«Ni l'UE ni les États-Unis n'accepteraient autre chose que cela», a assuré M. Kincaid.

Révélées par des fuites de l'ONG Greenpeace, les divergences entre UE et États-Unis portent notamment sur l'accès aux marchés publics américains, la portée du principe de précaution et les modalités du mécanisme de protection des investisseurs voulus par Washington.

Négocié dans le plus grand secret, l'accord TTIP, également baptisé Tafta, vise à supprimer les barrières commerciales et règlementaires de part et d'autre de l'Atlantique pour créer une vaste zone de libre-échange censée doper l'activité économique.