La Banque du Japon (Banque du Japon) a choisi de temporiser jeudi et maintenu en l'état sa batterie de mesures, décevant les fortes attentes des marchés face à une déflation tenace et une économie qui tourne au ralenti.

Aussitôt annoncé, ce statu quo a fait bondir le yen et chuter le Nikkei, indice vedette de la Bourse de Tokyo (-3,6% à la clôture).

La Banque du Japon était pourtant attendue au tournant après de nouvelles statistiques médiocres, sur fond d'essoufflement de la stratégie de relance «abenomics», lancée il y a plus de trois ans par le Premier ministre Shinzo Abe.

Sur les 41 économistes sondés par l'agence Bloomberg News, 23 misaient sur un nouvel assouplissement.

Certains avaient prédit un abaissement du niveau des taux négatifs, instaurés fin janvier pour tenter d'inciter les banques à prêter de l'argent aux ménages et entreprises plutôt que de le déposer dans ses coffres. Mais ils sont maintenus à -0,1%.

Cette mesure, qui érode les marges des établissements financiers, s'est révélée «hautement impopulaire», sans parvenir à stopper le regain du yen - qui pénalise durement les entreprises exportatrices japonaises -, rappelaient les analystes de Natixis avant la décision.

Prête à agir

Une autre possibilité avait été évoquée: l'expansion du vaste programme d'achat d'actifs, principalement des obligations d'Etat. Las, le montant reste inchangé à 80.000 milliards de yens par an (quelque 640 milliards d'euros).

Cette option se heurtait à un problème de liquidités, selon Tobias Harris, qui précise que «la banque centrale détient déjà près de 36% de la dette publique».

«La Banque du Japon a apparemment pris le risque de décevoir les marchés», a réagi auprès de l'AFP Hideo Kumano, économiste de l'institut de recherche Dai-ichi Life. «Mais cela ne veut pas dire qu'elle n'adoptera pas de mesures supplémentaires».

Son gouverneur Haruhiko Kuroda a de fait répété en conférence de presse qu'il «n'hésiterait pas à agir si nécessaire», mais il a dit vouloir d'abord «évaluer les effets sur l'économie réelle de la politique de taux négatifs».

Il a en revanche rejeté le scénario d'«hélicoptère monétaire», qui consisterait à verser de l'argent aux consommateurs (via la distributions de coupons par exemple), arguant de l'indépendance statutaire de la Banque du Japon vis-vis du gouvernement, en charge de la politique budgétaire. L'idée est revenue dans le débat récemment quand le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi l'a qualifiée de «très intéressante».

La Banque du Japon est pour l'heure très loin de sa cible d'inflation de 2%: les prix à la consommation ont fléchi de 0,3% en mars sur un an, sous l'effet d'une économie sans vigueur et de la dégringolade des cours du pétrole. Il faut remonter à avril 2013, date du lancement de sa vaste réforme monétaire, pour trouver pareille baisse.

Inflation: échéance encore repoussée

L'institut d'émission en a pris acte et a abaissé ses prévisions concernant l'inflation, qui n'atteindra pas dans les délais espérés l'objectif de 2%, désormais attendu d'ici à mars 2018, au lieu de courant 2017 auparavant.

«C'est la dernière carte pour le gouverneur Haruhiko Kuroda, il doit réussir, mais en réalité ce sera très difficile», a prévenu M. Kumano.

La projection de croissance a aussi été dégradée: elle devrait s'établir à 1,2% en 2016-17 (contre 1,5% escompté précédemment), et à 0,1% l'exercice suivant (contre 0,3%).

La Banque du Japon invoque des «exportations plus faibles que prévu» et une certaine «prudence» des entrepreneurs, «reflet du ralentissement» des économies émergentes. La consommation des ménages est de même atone, avec une chute de 5,3% en mars.

La banque centrale mentionne aussi l'impact sur la production industrielle des récents tremblements de terre qui ont frappé le sud-ouest du Japon et provoqué l'arrêt temporaire de plusieurs usines.

Sur ce sujet, elle a annoncé des mesures de soutien, via des prêts à taux zéro et autres dispositifs, aux institutions financières situées dans la région affectée.

Si la BCE a il y a peu réclamé un renfort des gouvernements européens, M. Kuroda est pour sa part resté prudent, s'abstenant d'en appeler directement à Shinzo Abe, accusé par ses détracteurs de lenteur dans la mise en place des réformes structurelles à même de doper la croissance.

La Banque du Japon agit à rebours de la Réserve fédérale centrale américaine (Fed) qui a commencé à relever en décembre ses taux directeurs, après sept ans de politique de taux zéro.