Américains et Européens n'avaient pas besoin de ça: déjà plombées par un lourd climat de défiance, leurs négociations sur l'accord de libre-échange commercial du PTCI (Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement) font désormais face à la menace grandissante du «Brexit».

À deux mois du référendum qui décidera de l'avenir européen de la Grande-Bretagne, la pression n'a jamais été aussi forte sur les épaules des négociateurs, qui ont débuté lundi leur 13e round de discussions à New York.

Leur objectif n'a pas changé depuis le lancement des discussions il y a près de trois ans: supprimer les barrières règlementaires et commerciales de part et d'autre de l'Atlantique afin de doper l'activité économique.

Mais la possible sortie de l'UE d'une des principales économies du continent va planer sur ces discussions d'ordinaire très techniques, qui associent la représentation américaine au Commerce extérieur (USTR) et la Commission européenne.

Pour certains experts, la cause est entendue: un «Brexit» aurait un impact dévastateur sur le traité transatlantique, également baptisé «Tafta» par ses nombreux détracteurs qui redoutent une dérèglementation généralisée.

«Si les Britanniques décident de quitter l'Union européenne, les discussions sur le PTCI seront en ruine», prédit Gary Hufbauer, un ancien responsable du Trésor américain. «Il n'y aura aucun moyen d'aller de l'avant parce qu'il y aura trop d'incertitudes», dit à l'AFP cet expert aujourd'hui rattaché au Peterson Institute de Washington.

Chercheur au Council on Foreign Relations, Edward Alden est moins catastrophiste, mais assure toutefois qu'une victoire du «oui» au référendum reléguera totalement à l'arrière-plan les négociations commerciales entre les deux blocs.

«Il y aura des questions plus pressantes à régler. Tout le monde s'agitera pour essayer de savoir quelle sera la nouvelle relation entre la Grande-Bretagne et l'Europe (...) Tout sera remis en cause», affirme-t-il à l'AFP.

Peser sur le débat

Sur le court terme, la menace du «Brexit» pourrait, toutefois, paradoxalement donner un coup d'accélérateur à ces discussions qui donnent souvent l'impression de piétiner en dépit des proclamations officielles d'échanges «constructifs».

Les deux parties «vont avoir besoin de signes concrets que les choses vont de l'avant et vont vouloir aller plus vite afin de tenter de peser sur le débat public en Grande-Bretagne», estime auprès de l'AFP Daniel Hamilton, un ancien secrétaire d'État américain adjoint aux affaires européennes.

Selon cet expert de l'Université Johns Hopkins, Américains et Européens vont ainsi s'entendre, avant le référendum, sur un communiqué commun faisant état de progrès même si, reconnaît-il, ce serait «assez inhabituel en plein milieu de négociations commerciales».

«Cela pourra être utilisé pour aider le camp du maintien dans l'UE à prévaloir», abonde M. Hufbauer.

L'idée serait donc de convaincre les Britanniques de rester dans l'UE afin de bénéficier des bienfaits supposés de l'accord transatlantique en assurant que toute autre voie serait une impasse.

Le président américain Barack Obama a déjà plaidé en ce sens lors de son déplacement en Grande-Bretagne le week-end dernier, en mettant en garde contre toute alternative au PTCI.

«Certains pensent peut-être qu'il y aura un accord de libre-échange É.-U.-Royaume-Uni, mais cela n'arrivera pas de sitôt», a déclaré M. Obama, assurant que l'UE serait prioritaire et que le Royaume-Uni se trouverait donc «en queue de peloton».

Le chef d'État américain, qui quittera la Maison-Blanche en janvier prochain, joue gros dans ce dossier.

Son administration a conclu un autre accord de libre-échange avec 11 pays de la région Asie-Pacifique, le Partenariat Trans-Pacifique (PTP), qui doit encore être ratifié par le Congrès et qui fait face à un tir de barrage des principaux candidats à la Maison-Blanche.

«Nous sommes à un moment crucial», assure M. Alden. «Si les États-Unis rejettent le PTP et si les Britanniques quittent l'UE, cela pourrait infliger un coup majeur à la cause du commerce mondial», prédit-il.