Les grandes banques russes l'assurent: les affaires reprennent après une année 2015 cauchemardesque. Mais rouble faible, taux élevés et récession continuent de plomber le secteur et l'hécatombe risque fort de se poursuivre parmi les centaines de petits établissements financiers que compte la Russie.

La déroute de la monnaie russe fin 2014, sur fond de chute des cours du pétrole et de sanctions liées à la crise ukrainienne, ont affaibli considérablement le secteur financier russe. La dévaluation a alourdi le poids des dettes contractées en devises, les taux d'intérêt prohibitifs ont paralysé l'activité du crédit, et la crise économique empêche au final de plus en plus de ménages de rembourser leur dû, vu la chute du pouvoir d'achat.

Les deux premiers acteurs du secteur, Sberbank et VTB (contrôlés par l'État russe), ont présenté le même constat cette semaine en publiant leurs résultats annuels. L'activité du crédit reprend doucement, les provisions liées aux emprunts de mauvaise qualité reculent et leur situation financière s'améliore.

Sberbank, mastodonte héritier des caisses d'épargne de l'époque tsariste, a certes vu son bénéfice net baisser de 23% l'an dernier à 222,9 milliards de roubles (4,5 milliards de dollars CAD) mais la fin d'année a été bien meilleure. Au quatrième trimestre, le bénéfice net a dépassé les attentes du marché avec une croissance de 11,5% sur un an, tirés par un rebond de 12,8% des revenus liés aux crédits.

Le groupe a constaté «une reprise modérée de la demande des entreprises et une croissance du crédit immobilier», ciblé par des aides de l'État.

Le PDG de VTB, Andreï Kostine, a lui observé «une poursuite de la reprise de la demande de financement de la part des entreprises malgré la volatilité des indicateurs macroéconomiques».

Son groupe, dans le rouge en début d'année, a lui aussi surpris le marché au quatrième trimestre avec ses profits, qui lui ont permis de se payer le luxe de doubler son bénéfice net sur l'année à 1,7 milliard de roubles (32 millions CAD). Comme pour sa principale concurrente, VTB a vu les revenus des crédits augmenter en fin d'année et les prévisions baisser.

La crise est-elle passée pour le secteur financier russe? «La faiblesse des cours du pétrole et du rouble va continuer d'affecter la santé financière des banques russes cette année», a tempéré jeudi l'agence Standard & Poor's dans un rapport.

Selon S&P, qui prévoit une deuxième année de récession en 2016, les crédits impayés pourraient représenter dans les mois à venir jusqu'au quart du portefeuille des banques contre 9% fin 2015, et une «croissance anémique» de cette activité en 2016.

Faillites par dizaines

Sberbank et VTB elles-mêmes n'ont pas caché que leur relative bonne santé était due en partie à des mesures de réduction des coûts, y compris des effectifs, et à la hausse de leurs commissions bancaires. La seconde a prévenu que son bénéfice pourrait rester proche de zéro cette année en cas d'évolution négative de l'économie russe.

Le groupe français Société Générale a lui reconnu en février que l'environnement restait «difficile» en Russie, et prévoit de nouvelles pertes en 2016 pour sa filiale locale, qui comprend la grosse banque de détail Rosbank.

La situation est surtout très contrastée entre les grands établissements, souvent publics, que l'État a massivement renfloué l'an dernier pour qu'ils continuent de financer l'activité économique, et les centaines de petites banques, aux pratiques parfois douteuses, très fragilisées et mises en faillite par dizaines par la banque centrale.

«Les banques petites et moyennes devraient pâtir de fuites de dépôts et d'une baisse de qualité rapide de leurs actifs», les clients perdant de plus en plus confiance, a prévenu Standard & Poor's, qui s'attend à de nouvelles disparitions, après 90 fermetures imposées par la banque centrale l'an dernier.

Signe que le ménage continue, trois établissements ont encore perdu leur licence jeudi. Face aux coûts galopants de ces faillites, l'organisme chargé d'assurer les dépôts vient de demander un nouveau crédit auprès de la banque centrale.

Faute de marge de manoeuvre budgétaire, les autorités ne prévoient pas de nouvelle aide au secteur et réfléchissent à un système dit «bail in» qui verrait les déposants mis à contribution pour le sauvetage de banques en difficultés.