Le président de la BCE Mario Draghi a mis en garde jeudi contre le risque pour son institution «d'agir trop tard» pour faire repartir l'inflation en zone euro, alimentant les spéculations sur une nouvelle action imminente.

Face à l'inflation trop basse, «le risque d'agir trop tard l'emporte sur le risque d'agir trop tôt», a déclaré le banquier central lors d'un colloque bancaire à Francfort.

En janvier, les prix à la consommation ont progressé de 0,4% en zone euro, contre 0,2% en décembre, un niveau très éloigné de l'objectif d'un peu moins de 2% de la BCE. Surtout, l'inflation menace de rechuter en territoire négatif, lestée par l'inexorable recul des prix du pétrole depuis plusieurs mois.

Le président de la BCE a une nouvelle fois jeudi défendu la politique monétaire menée par son institution, qui a abaissé ses taux à des niveaux historiquement bas, fourni des prêts géants quasi gratuits aux banques et qui rachète chaque mois des montagnes de dettes sur les marchés.

Quelques semaines après avoir balayé les critiques, surtout en provenance d'Allemagne, l'accusant de spolier les épargnants en ayant recours à la planche à billets, le banquier central a tenté de battre en brèche l'idée que la faible inflation serait un phénomène non monétaire sur lequel la BCE ne pourrait rien.

Selon lui, renoncer à atteindre «à moyen terme» une inflation légèrement inférieure à 2%, comme certains le conseillent à la banque centrale, entraînerait un risque: «que le décrochage des attentes d'inflation conduise à une inflation perpétuellement faible».

«Et si cela se produisait, il nous faudrait une politique monétaire encore plus accommodante pour inverser» ce phénomène, a-t-il poursuivi.

«Il y a des forces au sein de l'économie mondiale qui concourent à maintenir l'inflation basse. Ces forces risquent de ralentir le retour de l'inflation vers notre objectif», a concédé M. Draghi, tout en affirmant ne pas voir de raison pour que son institution capitule face à cette situation.

Il n'y a pas de raison de renoncer à relancer les prix, «simplement parce que nous sommes tous affectés par un phénomène mondial de désinflation», a estimé le gardien de l'euro.

«Est-ce que cela aiderait les marchés émergents que les banques centrales des économies avancées ne remplissent pas leur mandat ? Est-ce que cela serait plus susceptible de contribuer à la croissance mondiale ? Clairement, la réponse est non», a martelé M. Draghi.

«Ce qui compte, c'est que les banques centrales remplissent leur mandat. Au sein de la zone euro, cela peut impliquer des défis supplémentaires par rapport à d'autres juridictions, mais ces défis peuvent être surmontés. Ils ne justifient pas l'inaction», a ajouté l'Italien.

Ces propos risquent de relancer les spéculations concernant une nouvelle action imminente de la BCE. Fin janvier, M. Draghi avait déjà fait miroiter de nouvelles mesures de soutien en déclarant qu'il serait «nécessaire de réévaluer et peut-être revoir» la politique monétaire de l'institution lors de la prochaine réunion du conseil des gouverneurs le 10 mars.

L'institution monétaire «n'a encore rien décidé pour mars», avait toutefois tempéré mercredi Yves Mersch, membre de son directoire, en appelant les investisseurs à ne pas se laisser influencer par le «battage» autour d'éventuelles mesures supplémentaires de soutien.