Le peso argentin s'est effondré jeudi face au dollar, au lendemain de la levée par le nouveau gouvernement du contrôle des changes, afin de gagner en compétitivité et de relancer une économie en perte de vitesse.

Cette dévaluation-choc de la monnaie argentine, surévaluée depuis des années, survient quelques heures après la fin des restrictions sur les changes, mises en place en 2011 pour empêcher une fuite de devises.

Après de longues années d'administration de la monnaie, la Banque centrale a décidé de laisser flotter le peso, qui a aussitôt cédé : alors qu'il cotait mercredi à la clôture moins de dix pesos, le dollar a ouvert à 15 pesos jeudi en Argentine, soit un bond de plus de 50%, avant de légèrement reculer, autour de 14,5 pesos.

Les analystes financiers ont prévenu que la journée serait marquée par une alternance de hausses et de baisses, après quatre ans de restrictions sur les changes.

Avec cette mesure, le gouvernement du président de centre droit Mauricio Macri, au pouvoir depuis le 10 décembre, a mis fin à un casse-tête pour les entreprises désirant importer et les particuliers souhaitant épargner ou se procurer des devises pour voyager à l'étranger.

C'était une promesse de campagne de M. Macri, un libéral qui a succédé à Cristina Kirchner, au pouvoir depuis 2007. Il a promis de «normaliser» l'économie, après douze années de protectionnisme.

Mercredi, le ministre du Budget et des Finances, Alfonso Prat-Gay, avait averti que cette décision, permettant le rétablissement d'un taux de change libre entre le dollar et le peso, entraînerait une dévaluation de la devise argentine, dans un pays où la hausse des prix oscille entre 20 et 35% depuis huit ans.

Une dévaluation «nécessaire»

Mais cette dévaluation était «nécessaire», souligne l'économiste Nicolas Dujovne, et «la Banque centrale ne va pas intervenir, pour montrer que le peso arrive à un équilibre et qu'une dévaluation supplémentaire ne sera pas nécessaire».

Selon lui, «la clé du succès de la dévaluation, c'est que le peso atteigne 14 à 15 pesos pour un dollar, que le gouvernement ne fasse pas marche arrière et que l'impact sur les prix ne soit pas trop élevé». L'inflation «devrait ralentir à partir d'avril-mai», prédit-il.

Les Argentins semblaient partagés jeudi : pour Rosa Menendez, 50 ans, qui tient un salon de beauté, la «dévaluation profonde était annoncée et nécessaire. C'est l'héritage des mauvaises politiques des Kirchner».

Guillermo Suarez, propriétaire d'un magasin de chaussures, était inquiet. «Ces mesures vont faire baisser la consommation et en finir avec l'industrie nationale».

Depuis jeudi, «n'importe qui peut acheter des dollars», a souligné le ministre du Budget.

Si aucun engouement particulier n'était notable devant les banques, les Argentins souhaitant recevoir des billets verts en échange de leurs pesos étaient déçus, les banques proposant seulement de les déposer sur un compte.

«C'est normal, avertit l'économiste Cesar Deymonnaz, les banques n'ont pas encore reçu les directives de la Banque centrale».

Dans le centre de Buenos Aires, les vendeurs de dollars au marché noir, moins nombreux que d'habitude, continuaient de proposer un peu plus de 14 pesos pour un dollar, valeur désormais inférieure au taux de change officiel.

Jusqu'ici, le gain sur le marché parallèle, né avec ce contrôle des changes, était d'environ 50%.

Dans un pays régulièrement bousculé par l'inflation, le dollar joue un rôle de monnaie refuge pour les Argentins. Le peso perdant parfois rapidement de sa valeur, les habitants préfèrent épargner en dollars.

Les entreprises aussi réclamaient ce retour à la flexibilité du change, après avoir été freinées dans leurs velléités d'importation.

Dans cette économie en pleine stagnation, avec un déficit budgétaire d'environ 7%, le dernier épisode de dévaluation à deux chiffres remonte à janvier 2014. Le gouvernement avait dévalué la monnaie de près de 20% en deux jours en laissant flotter le peso.

«Ce n'est pas la fin du contrôle des changes sinon une brutale dévaluation qui va tripler les gains des exportateurs pendant que les salaires des travailleurs dévissent», a dénoncé le député d'opposition Edgardo Depetri, du Front pour la victoire (FPV), la coalition de gauche au pouvoir pendant les années Kirchner.