La nouvelle agence de notation nationale voulue par la Russie pour contrer les surpuissantes agences occidentales, qui pour Moscou défendent les intérêts géopolitiques des Occidentaux, a entamé vendredi officiellement ses activités.

Baptisée Akra (acronyme en russe d'agence de notation et d'analyse de crédit), cette nouvelle institution, «ayant achevé son enregistrement auprès de l'État comme entité légale, commence ses activités opérationnelles», a-t-elle indiqué dans un communiqué.

Ce projet porté par la banque centrale s'ajoute à un nombre croissant de tentatives dans les pays émergents pour s'attaquer à la domination de Standard & Poor's, Moody's et Fitch, dont les décisions constituent de véritables sésames pour emprunter sur les marchés. Si aucun ne s'est imposé au-delà des frontières d'origine, certains experts qu'une nouvelle entité russe pourrait servir aux emprunts en roubles ou pour les investisseurs locaux.

Lors du premier conseil d'administration, Karl Johansson, qui travaillait depuis vingt ans pour le cabinet d'audit EY (ex-Ernst & Young), a été élu président du conseil d'administration, a indiqué Akra.

Comme prévu, l'ancienne numéro deux de la banque publique Gazprombank, Ekatérina Trofimova, a pris ses fonctions de directrice générale.

L'agence est dotée d'un code de conduite qui «établit des principes clés conformes aux meilleures pratiques du secteur et aux dernières exigences de la régulation», a assuré M. Johansson, cité dans le communiqué. Ces principes comprennent «l'intégrité et la transparence dans la notation, l'indépendance et la prévention de conflit d'intérêts», a-t-il ajouté.

L'agence est dotée d'un capital très éclaté, détenu par une trentaine de banques, fonds de pensions, sociétés d'investissements, ce qui doit garantir son indépendance, facteur essentiel pour les agences de notation. Certains experts ont cependant émis des doutes sur sa réelle impartialité vue la présence de plusieurs institutions publiques au capital et l'influence de la banque centrale, à l'origine du projet.

La banque centrale, en présentant le projet cet été, avait mis en avant la nécessité d'une agence «résistant aux risques géopolitiques».

Après l'effondrement du rouble il y a un an, causé par la chute des cours du pétrole et les sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne, Standard & Poor's puis Moody's (mais pas Fitch) ont abaissé la note de la Russie à un niveau dit «spéculatif», boudé des investisseurs.

Moscou avait réagi avec colère et dénoncé des décisions politiques dictées par Washington, alors que les relations sont au plus bas depuis la Guerre froide entre les deux capitales.

Au-delà de la Russie, Standard & Poor's, Fitch et Moody's sont souvent accusés de mettre de l'huile sur le feu avec leurs abaissements et de prendre des décisions injustes.

Maintien du taux directeur à 11%

La banque centrale de Russie a maintenu vendredi son taux directeur à 11%, un niveau peu propice à l'activité économique, s'inquiétant de l'augmentation des «risques inflationnistes» malgré la récession qui selon elle va se poursuivre en 2016.

Dans un communiqué publié à l'issue de sa réunion régulière de politique monétaire, la Banque de Russie annonce qu'elle abaissera ce taux lors de «l'une de ses prochaines réunions» mais «à condition que les risques inflationnistes diminuent».

Il y a un an presque jour pour jour, dans la nuit du 15 au 16 décembre, l'institution avait dû brusquement augmenter son taux de 10,5% à 17% pour enrayer un effondrement du rouble sans précédent en 15 ans de pouvoir de Vladimir Poutine.

Ce choc monétaire, causé par la baisse des cours du pétrole et les sanctions en lien avec la crise ukrainienne, s'est traduit par une profonde crise économique cette année. La banque centrale a donc réduit ses taux progressivement au cours de l'année pour apporter un peu d'oxygène à l'économie, et aussi bien les autorités que les milieux économiques espéraient un nouveau geste lors de cette réunion.

Le produit intérieur brut est attendu en baisse de près de 4% cette année et si le gouvernement table sur une petite reprise l'année prochaine, la banque centrale a indiqué vendredi qu'elle s'attendait à une nouvelle contraction du PIB comprise entre 0,5% et 1%.

Pour autant, «le ralentissement des prix à la consommation a été moins marqué que prévu, et les attentes d'inflation des ménages se sont renforcées en novembre», constate la Banque de Russie. Le taux annuel d'inflation était selon elle de 14,8% au 7 décembre, ce qui reste bien supérieur à l'objectif du gouvernement pour 2015 (12,2%).

La pression sur le rouble s'est brusquement accentuée ces derniers jours car les cours du pétrole sont tombés à leur plus bas niveau en sept ans, sous 40 dollars le baril, au risque de soutenir l'inflation.

De nouveaux facteurs de nature à pousser les prix vers le haut sont en outre apparus ces dernières semaines: embargo sur certains produits alimentaires de Turquie après la destruction d'un bombardier russe par l'aviation turque, et nouvelle taxe sur les transporteurs routiers.