Un an après avoir plongé dans sa pire crise monétaire en 15 ans, la Russie a subi une rude chute de son activité économique. Et si le déclin semble s'essouffler, c'est désormais la stagnation qui menace.

Que s'est-il passé mi-décembre 2014?

Depuis le début 2014, la pression augmente: économie qui s'essouffle, sanctions de plus en plus dures contre Moscou pour son rôle dans la crise ukrainienne puis effondrement des cours des hydrocarbures, principale source de revenus pour la Russie. La banque centrale, épuisée de dilapider ses réserves en aide au rouble, décide de le laisser évoluer librement.

Le lundi 15 décembre, les vannes cèdent et une spirale infernale s'enclenche. Ce ne sont plus seulement les investisseurs qui vendent leurs roubles mais les Russes qui se massent dans les bureaux de change ou dans les magasins pour acheter des téléphones intelligents, des réfrigérateurs ou des voitures avant que leurs économies ne perdent toute valeur.

La monnaie russe perd 9,5% de sa valeur sur une seule journée et 7% le lendemain. Au total, la monnaie russe perd 40% face au dollar en 2014, soit la pire crise monétaire depuis le défaut sur la dette en 1998 et depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en 1999 comme premier ministre de Boris Eltsine.

Comment ont réagi les autorités?

Vladimir Poutine sort de son silence le 18 décembre, lors de sa conférence de presse annuelle et promet une sortie de crise dans les deux ans mais laisse à la banque centrale et au gouvernement le soin d'agir.

En première ligne, la première augmente son taux directeur de 10,5% à 17% dans la nuit du 15 au 16 décembre (contre 5,5% avant la crise ukrainienne) pour maintenir l'attractivité du rouble, puis prend des mesures pour maintenir à flot le système bancaire et éviter un effondrement financier.

Le gouvernement renfloue le secteur bancaire, puis prend des mesures de soutien aux secteurs les plus touchés comme l'automobile ou prioritaires comme l'agriculture. Il augmente les retraites de 12%, niveau de l'inflation en 2014.

En revanche, pas question de laisser le déficit filer au-delà de 3% du PIB, et la rigueur est demandée aux administrations, conduisant à d'importantes suppressions d'emplois dans la santé ou la police.

Quelles répercussions sur l'économie?

Les chiffres disponibles suggèrent que la Russie est entrée en récession dès l'été 2014 mais la contraction s'est accélérée après le choc monétaire. Le ministre de l'Economie Alexeï Oulioukaïev prévoit une baisse du produit intérieur brut d'environ 3,7% sur 2015 après une croissance de 0,6% en 2014.

La hausse des taux a étouffé l'activité du crédit et par ailleurs le choc monétaire a entraîné une envolée des prix, l'inflation restant à un taux annuel de 15% en novembre et plombant le pouvoir d'achat.

Quelques chiffres: les revenus des ménages et les ventes de détail ont baissé de plus de 10% en un an, celles d'automobiles de plus de 42% et le trafic aérien à l'international de 16%. Plus de 70 banques sur 800 ont disparu du système bancaire.

Et maintenant?

Pour les autorités, l'économie a touché le fond pendant l'été et d'un point de vue statistique, la récession «est terminée», a décrété récemment le ministre de l'Économie. Si la stabilisation arrive par la production et les investissements, la consommation reste en berne car l'inflation ne ralentit pas autant qu'espéré. Les prix du pétrole sont au plus bas depuis près de sept ans.

«La reprise sera très différente de celles suivant les récessions du passé et s'annonce particulièrement lente», estime le cabinet Capital Economics, car le budget de l'État est serré, les banques prêtent peu et certains «problèmes structurels» n'ont pas été réglés.

Dans un long entretien au journal Vedomosti, M. Oulioukaïev se dit convaincu que l'économie connaîtra une «petite croissance» l'année prochaine mais n'y voit «aucune source d'optimisme»: «Le potentiel pour atteindre des chiffres de croissance significatifs est très limité».