Le yuan chinois a fait son entrée lundi dans le club très fermé des principales monnaies de réserve internationale à la faveur de son intégration dans l'unité de compte du Fonds monétaire international (FMI).

Il rejoint au sein du système du DTS (Droit de tirage spécial) - l'instrument monétaire du FMI -, le dollar américain, la livre britannique, le yen japonais et l'euro.

Pour Pékin, l'entrée de la devise chinoise au rang de monnaie de réserve représente une réussite politique majeure dans sa quête de reconnaissance économique internationale.

Cette décision reflète « les progrès accomplis par les autorités chinoises ces dernières années pour réformer leur système monétaire et financier », a souligné la dire ctrice-générale du FMI, Christine Lagarde, dans une déclaration au siège du FMI à Washington.

« La poursuite et l'approfondissement de ces efforts va créer un système monétaire et financier international plus solide qui, en retour, soutiendra lui-même la croissance et la stabilité de la Chine et de l'économie mondiale », a-t-elle ajouté. L'intégration du yuan dans l'unité de compte du FMI est « la reconnaissance de l'ouverture de l'économie chinoise », a encore déclaré la patronne de l'institution monétaire.

Le Conseil d'administration du Fonds, qui représente les 188 États membres de l'institution, a sans surprise entériné un rapport favorable des experts du FMI qui ont jugé que la monnaie chinoise « remplit les conditions » pour rejoindre les DTS.

Mais la décision du FMI n'entrera pas en vigueur avant neuf mois (en octobre 2016), le temps d'inclure concrètement la monnaie chinoise, également appelée renminbi, dans son unité de réserve. La nouvelle pondération résultant de l'inclusion d'une 5e monnaie dans le panier composant les DTS affaiblit surtout la part de la livre et de l'euro, mais guère celle du dollar dont l'importance dans les échanges extérieurs a encore augmenté depuis cinq ans, date de la précédente pondération.

À partir du 1er octobre 2016, le DTS sera donc composé pour 41,73 % du dollar, 30,93 % de l'euro, 10,92 % du renminbi ou yuan, 8,33 % du yen et 8,09 % de la livre, a précisé le FMI.

Les Chinois « veulent une reconnaissance du renminbi en tant que devise internationale: c'est important pour le prestige et la réputation, mais aussi pour les échanges internationaux car ils sont en train d'ouvrir leurs comptes de capitaux », a commenté Ange Udibe, économiste, auprès du Peterson Institute of International Economics (PIIE).

Favoriser la libéralisation

Faire partie d'un panier de réserves, « cela force de nombreuses réformes au sein de l'économie alors que certains conservateurs au sein du pouvoir en Chine pourraient être réticents » à poursuivre la libéralisation, souligne cet expert. « C'est comme un traité commercial, c'est un bon outil pour forcer la libéralisation de l'économie intérieure dont vous avez besoin », ajoute M. Udibe.

Deux des principales conditions à l'inclusion du yuan au sein du DTS ont été jugées acquises par le FMI: qu'il soit « plus largement utilisé » dans les transactions internationales et qu'il soit « librement utilisable ». Ce dernier point n'est toutefois pas synonyme de totale convertibilité puisque la Chine exerce un contrôle des capitaux et que sa monnaie est encore accrochée au dollar même si en août dernier les autorités ont assoupli le mécanisme de change.

Sur le plan commercial, la Chine s'est hissée depuis plusieurs années au rang des leaders du commerce mondial, devenant « le 3e plus important exportateur », a souligné Mme Lagarde.

Sur le front financier, Pékin vient d'autoriser l'accès des banques centrales étrangères au marché des changes chinois. Les institutions publiques étrangères - pas encore privées -, peuvent depuis quelques mois acheter des bons chinois, souligne M. Udibe. « La libéralisation se fait par petites étapes », souligne-t-il.

Les États unis, majoritaires au sein du Conseil d'administration du FMI dont ils sont le premier bailleur de fonds, s'étaient ralliés à l'hypothèse d'une intégration de la devise chinoise.

« Les experts du FMI avaient recommandé l'inclusion du renminbi dans les DTS. Nous avons soutenu aujourd'hui cette recommandation », a indiqué à l'AFP une porte-parole du Trésor américain.

Washington accuse pourtant régulièrement les autorités chinoises de sous-évaluer leur monnaie pour favoriser leurs exportations.

C'est l'opinion du sénateur démocrate Charles Schumer qui a estimé dans un communiqué que le FMI « récompense la manipulation de la monnaie chinoise au lieu de la combattre ». Cette décision « est un affront aux millions de travailleurs américains qui ont perdu leur emploi à cause des pratiques commerciales voraces de la Chine », ajoute cet élu.

Qu'est-ce que les DTS?

Les droits de tirage spéciaux (DTS) sont depuis 1969 l'unité de compte du Fonds monétaire international (FMI) qui s'en sert notamment pour calculer les taux d'intérêt sur les prêts qu'il accorde à ses États membres.

Initialement, les DTS entraient dans le cadre du système de taux de change instauré en 1947 par les accords de Bretton Woods. Ils servaient à épauler le dollar et l'or comme avoirs de réserve.

Mais la fin du régime de taux de change fixes et de la convertibilité du dollar en or au début des années 70 leur a fait perdre ce rôle et a réduit leur importance. Ils sont désormais devenus essentiellement un outil de fonctionnement du FMI.

Le DTS n'est pas une monnaie et n'a pas d'existence matérielle. Sa valeur est calculée en fonction d'un panier de devises, qui comprend depuis lundi le yuan chinois (renmimbi) venant s'ajouter au dollar américain, l'euro, la livre britannique et le yen japonais.

La pondération des différentes monnaies, qui est revue tous les cinq ans, se situait depuis 2010 à 41,9 % pour le dollar, 37,4 % pour l'euro, 11,3 % pour la livre britannique et 9,4 % pour le yen.

Avec l'inclusion d'une cinquième monnaie, la nouvelle pondération va entrainer une réduction de la part de toutes les autres monnaies, surtout la livre et l'euro. Ainsi, le nouveau profil du DTS comprend le dollar pour 41,73 %, l'euro pour 30,93 %, le yuan pour 10,92 %, le yen pour 8,33 % et la livre pour 8,09 %, selon des responsables du FMI.

La pondération se base sur des indicateurs d'importance des monnaies en question dans le commerce et dans les réserves. Ces cinq dernières années, le poids du dollar dans les exportations a augmenté tandis que celui de la livre a diminué, ce qui explique notamment le maintien de la part du billet vert dans le DTS comme la chute de celle de la livre, a précisé un responsable.

Chaque devise, qu'elle fasse ou non partie du panier, a un taux de change correspondant en DTS qui est révisé chaque jour en fonction des mouvements sur les marchés monétaires mondiaux. Un dollar vaut actuellement 0,73 DTS et un euro 0,77 DTS.

Outre le calcul du taux d'intérêt sur les prêts, actuellement de 0,05 %, les DTS peuvent être accordés par le FMI directement aux pays membres pour qu'ils entrent dans le calcul de leurs réserves monétaires. Cette procédure est assez rare puisqu'elle n'a été utilisée que trois fois depuis 1969 (1970-1972, 1979-1981 et 2009). Au total, ces «distributions» de DTS ont représenté 204 milliards de dollars.

Les pays détenteurs peuvent utiliser des DTS soit pour rembourser leurs obligations auprès du FMI, soit pour ajuster leurs réserves monétaires. L'institut de Washington sert dans ce cas d'intermédiaire entre les vendeurs et les acheteurs potentiels. Elle a en principe le droit d'imposer à un pays d'acheter des DTS si un pays vendeur ne trouvait pas d'acquéreur afin de garantir le bon fonctionnement du marché.