L'économie française ne sera vraisemblablement pas épargnée par les attentats de Paris. «Il y aura un impact négatif sur l'économie», dit Nicholas Bloom, professeur d'économie à l'Université Stanford, en Californie, qui a étudié ce sujet aussi triste que délicat. Son estimation: l'incertitude engendrée par les attentats de Paris provoquera à elle seule une décroissance de 0,1 ou 0,2% de l'économie française. L'industrie touristique sera durement touchée à court terme.

Avec des collègues économistes, Nicholas Bloom étudie depuis plusieurs années les conséquences économiques d'événements engendrant de l'incertitude comme les désastres naturels, les attentats terroristes et les changements mouvementés de régimes politiques. Il a répertorié une soixantaine de ces événements au fil des ans. Résultat: l'incertitude engendrée par ce type d'événement finit toujours par faire diminuer la croissance économique qui aurait eu lieu autrement au cours des mois suivants. C'est ce qu'il appelle le «facteur de peur». «Les entreprises sont plus prudentes avec leurs investissements, les consommateurs dépensent moins, dit le professeur Bloom. Les gens sont plus inquiets. C'est ce que veulent les terroristes.»

L'exemple du 11-Septembre

À titre d'exemple, l'économiste estime que les attentats du 11 septembre 2001 à New York ont eu une incidence négative «d'environ 1%» sur le produit intérieur brut (PIB) américain sur une base annuelle. Dans une note publiée en 2007, il chiffrait les conséquences économiques des attentats du 11-Septembre à 1 million d'emplois et une baisse du PIB d'environ 3% au cours des quatre mois suivants. «L'impact des attentats de Paris sur l'économie française devrait être moins important, probablement une baisse de 0,1 ou 0,2% du PIB», dit Nicholas Bloom, économiste originaire de la Grande-Bretagne, en entrevue à La Presse.

Précision importante: le professeur Bloom ne prévoit pas que l'économie française se contractera de 0,1 ou 0,2% au cours de la prochaine année mais plutôt que l'incertitude engendrée par les attentats de Paris fera diminuer la croissance économique de 0,1 ou 0,2. Le Fonds monétaire international prévoyait une croissance de l'économie française de 1,2% en 2015 et 1,5% en 2016, des prévisions inférieures à celles de la zone euro (1,5% en 2015 et 1,7% en 2016).

En 2001, l'économie américaine venait de croître de 2,1% au deuxième trimestre. Puis les attentats du 11-Septembre ont eu lieu, et l'économie a été en décroissance de 1,3% au troisième trimestre (juillet à septembre). Au quatrième trimestre de 2001, l'économie a crû de seulement 1,1%, puis elle a repris sa vitesse de croisière avec des croissances trimestrielles de 3,7%, 2,2% et 2,0% au cours des trois premiers trimestres de 2002.

Tourisme en baisse

L'un des secteurs généralement le plus durement touchés après des attentats terroristes? Le tourisme, qui équivaut à environ 7,4% de l'économie française.

«Paris n'est pas Le Caire ou la Turquie, deux endroits où les effets [d'attentats ou d'épisodes de violence sur le tourisme] ont été plus importants, mais on peut s'attendre à une baisse du tourisme à court terme, notamment les voyages d'affaires», dit Michel Archambault, professeur émérite en tourisme à l'UQAM.

Selon un sondage de la Business Travel Coalition auprès de 84 organismes dans 17 pays, 20% des organismes vont probablement annuler des voyages d'affaires en France, et 20% des organismes ont l'intention d'annuler des voyages d'affaires en Europe. «C'est assez significatif à court terme, ça peut avoir un impact sur le transport aérien», dit le professeur Archambault.

À New York, le nombre de touristes a diminué de 2,8% en 2001 (l'année des attentats du World Trade Center), passant de 36,2 millions à 35,2 millions de touristes (internationaux et américains). Le nombre de touristes américains s'est essentiellement maintenu (de 29,4 millions en 2000 à 29,5 millions en 2011), mais le nombre de visiteurs internationaux a diminué de 29% en trois ans (de 6,8 millions en 2000 à 4,8 millions en 2003).

Les attentats du 7 juillet 2005 à Londres, qui ont fait une cinquantaine de morts, ont aussi nui au tourisme en Grande-Bretagne, mais de façon moins notable que les attentats du 11 septembre 2001 à New York (environ 3000 morts). En 2005, la Grande-Bretagne a tout de même vu une hausse de son nombre de touristes. Cette hausse a toutefois été ralentie au cours de l'année, passant de 13% au premier trimestre de 2005 à 4,2% au cours du troisième trimestre, celui des attentats.

À long terme, l'économiste Nicholas Bloom ne s'inquiète toutefois pas trop pour le tourisme français. «Il y aura des touristes dans le sud de la France l'été prochain», dit le professeur de l'Université Stanford.