La devise brésilienne, le réal, a atteint mardi son plus bas historique depuis sa création en 1994, reflétant la mauvaise santé économique du géant latino-américain, face à laquelle le gouvernement de gauche semble impuissant.

Quelques minutes seulement après l'ouverture du marché des changes, la monnaie a franchi la barre symbolique des quatre pour un dollar, à 4,03 réais, poursuivant ainsi sa dépréciation par rapport au billet vert, qui dépasse déjà les 33% cette année.

A la mi-journée, la devise accentuait encore son recul, à 4,056 réais pour un dollar, emportant avec elle la Bourse de Sao Paulo dont le principal indicateur, l'Ibovespa, plongeait de 2,30% vers 12H45 heure avancée de l'Est, à 45.518 points.

Derrière cette impressionnante chute du réal, il y a, selon les analystes, deux facteurs: les difficultés du gouvernement de la présidente Dilma Rousseff à mettre en place un plan de relance de l'économie, mais aussi la récente décision de l'agence de notation Standard & Poor's de rabaisser le pays à la catégorie «spéculative».

«Cette forte dépréciation tient non seulement à la situation économique du Brésil mais à l'inertie du gouvernement. Il semble que le gouvernement est perdu, qu'il ne dialogue pas avec le Parlement, qu'il y envoie des projets sans les planifier», explique à l'AFP Angelo Larozi, analyste chez Walpires à Sao Paulo.

«Ce manque de dialogue et de planification entraîne cette crise et fait pression sur le marché financier, parce qu'en plus le pays a été relégué à la catégorie spéculative. Toutes ces choses s'accumulent et font boule de neige et font pression sur notre économie et le marché», ajoute-t-il.

Standard and Poor's a relégué le 10 septembre le Brésil, septième économie de la planète, parmi les emprunteurs «spéculatifs» alors que le gouvernement de Mme Rousseff, touché par l'immense scandale de corruption autour du groupe pétrolier Petrobras, peine à mettre au point un plan d'ajustement budgétaire.

«Presque ingouvernable»

Le Brésil est entré en récession au deuxième trimestre et les analystes prévoient que celle-ci durera au moins deux ans, jusqu'à fin 2016.

Si cela se confirme, ce sera la deuxième fois seulement que l'économie se contracte deux années de suite en 85 ans (1930-1931).

Pour cette année, le gouvernement prévoit un recul du PIB de 1,49%, le marché se montrant plus pessimiste encore en tablant sur un recul de 3%.

La première économie d'Amérique latine fait aussi face à une inflation de 9,53% sur 12 mois, à un taux de chômage en hausse à 7,5% et à la chute de popularité de Dilma Rousseff (8% d'approbation seulement).

Certains analystes tablent sur un plongeon encore plus fort du réal jusqu'à cinq réais pour un dollar.

«Nous pensons qu'il peut chuter à 4,5 réais mais la situation peut empirer», selon Angelo Larozi.

Les conséquences peuvent être très néfastes pour le Brésil, prévient l'analyste: «un réal plus faible est mauvais pour l'économie, car il y a des entreprises dont la dette est en dollars, les produits importés deviennent plus chers et accentuent la pression sur l'inflation, cela paralyse aussi les investissements car il n'y a pas de signaux clairs, ce qui provoque des licenciements».

Et alors que le gouvernement vient de dévoiler un nouveau plan d'austérité de 17 milliards de dollars, sa coalition, autour du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir, est fortement fragilisée par le scandale Petrobras, compliquant l'approbation de ses projets par les députés.

«Les difficultés que le gouvernement affronte au sein du Parlement rendent le pays presque ingouvernable d'un point de vue budgétaire», commente Joao Paulo de Gracia Correa, de la société de consultants SLW, interrogé par le portail G1.