L'Inde, qui faisait figure il y a trois ans de mauvais élève de la classe des pays émergents avec un gouvernement paralysé et une croissance flageolante, encaisse mieux les turbulences en cours que les autres membres du club des BRICS.

Le Brésil et la Russie sont frappés par la récession qui menace également l'Afrique du sud tandis que le ralentissement chinois effraie le reste de la planète.

Dans ce marasme, l'Inde affiche un taux de croissance de 7%, le plus rapide de tous, et ses finances publiques profitent du pétrole bon marché.

«Si vous regardez les chiffres de la croissance, l'Inde se porte mieux que les autres économies», relève Kunal Kundu, économiste de Société Générale basé à Bangalore, auprès de l'AFP.

«La Chine ralentit, et le Brésil et la Russie souffrent de leur dépendance aux matières premières. L'Inde sort du lot».

Tout n'est pas rose cependant car si le pétrole et un nouveau mode de calcul ont donné un coup de pouce aux chiffres de la croissance de l'Inde, ses exportations restent à la peine et la Bourse de Bombay affiche un recul de 5% sur un an.

Malgré ces bémols, «le tableau est très différent d'il y a quelques années quand l'Inde était au premier rang des inquiétudes», estime Mark Williams, économiste en chef de Capital Economics à Londres.

De la surchauffe à la crise

Quand la Chine affichait une croissance à deux chiffres, couvrant son territoire d'autoroutes et de gratte-ciels, elle absorbait d'immenses quantités de pétrole, charbon et d'acier, poussant les cours des matières premières.

Mais elle menace désormais d'un atterrissage brutal qui inquiète ses grands fournisseurs tels que le Brésil.

Conséquence du manque d'appétit chinois, les prix des matières premières ont chuté, l'indice Bloomberg Commodity touchant ainsi un plus bas depuis 16 ans en août.

«Le Brésil est très affecté, plus que les autres pays émergents, et spécialement avec ce qui vient de se passer», dit Alex Agostini, économiste d'Austin Rating à Sao Paulo, en référence à la décision de Standard & Poor's de reléguer le pays au rang d'emprunteur à haut risque.

Autre pays classé emprunteur spéculatif, La Russie paie cher la chute des cours du pétrole, dont elle est un grand pays exportateur. Elle souffre également des sanctions imposées à cause de la crise ukrainienne. Le nombre de Russes vivant sous le seuil de pauvreté a grimpé à 21,7 millions, soit environ 15% de sa population.

«Le principal impact vient de l'influence de la Chine sur l'économie globale, les matières premières et les marchés financiers», dit Oleg Kouzmin, de la banque privée Renaissance Capital à Moscou qui prévoit un recul de 4% de l'économie russe cette année.

En Afrique du Sud, l'un des principaux fournisseurs de minerais de la Chine, un actif sur quatre est sans emploi et, mauvaise surprise, le PIB a reculé de 1,3% au deuxième trimestre.

En outre, tous ces émergents appréhendent la prochaine décision de la Réserve fédérale américaine, avec la menace d'une fuite des capitaux et d'un renchérissement de leur dette en cas de hausse des taux américains.

L'Inde encore fragile

Dans ce contexte, l'Inde fait figure de rare «point fort» de l'économie mondiale, selon le Fonds monétaire international.

La troisième économie d'Asie, qui importe 80% de son pétrole, a profité de la chute des cours pour renforcer ses finances publiques.

«L'Inde est en bien meilleure position et n'a pas certains des problèmes connus par d'autres économies», relève Arya Sen, de la banque d'investissement Jefferies à Bombay.

Mais son horizon n'est pas complètement dégagé.

Les réformes clé promises par son premier ministre Narendra Modi sont bloquées, telles que la loi facilitant l'acquisition de foncier pour les projets industriels ou l'instauration d'une TVA unique.

Le code du travail et la législation sur les investissements restent très complexes, ce qui freine sa croissance, tandis que les infrastructures sont déficientes.

Si son taux de croissance rivalise avec la Chine, la taille de son économie est cinq fois inférieure à celle de son grand voisin.

«L'Inde ne doit pas se reposer sur ses lauriers et les politiques ne devraient pas trop se congratuler», dit Williams, de Capital Economics. «Elle devrait croître bien plus rapidement. Elle aurait pu atteindre un taux de 9% ou 10%, à la chinoise».