Le Fonds monétaire international (FMI) a approuvé vendredi le versement à l'Ukraine d'un nouveau prêt massif en dépit des incertitudes sur la «soutenabilité» de la dette du pays et du conflit persistant dans l'est séparatiste.

Le conseil d'administration du Fonds, qui représente ses 188 États membres, a donné son feu vert au déblocage immédiat de 1,7 milliard de dollars dans le cadre d'un plan d'aide accordé en mars à Kiev et qui avait fait grincer des dents au sein de l'institution.

Au total, le Fonds s'était engagé à prêter à Kiev 17,5 milliards de dollars sur quatre ans en contrepartie de mesures drastiques visant à redresser les finances ukrainiennes, plombées par la récession et la perte d'une partie du territoire au profit des séparatistes prorusses.

Le nouveau versement, après le déblocage en mars d'un premier prêt de 5 milliards de dollars, vise à «remettre l'économie sur le chemin du rétablissement» et à «renforcer les finances publiques du pays», a assuré le FMI dans un très bref communiqué.

Mais la tâche s'annonce herculéenne. Privé de ses poumons industriels dans l'est, le pays devrait voir son produit intérieur brut plonger à nouveau cette année (-5,5 % attendu par le FMI) et sa dette s'envoler à près de 100 % de son PIB, contre environ 70 % en 2014.

Or le FMI l'a répété pour justifier sa réticence à continuer de renflouer la Grèce: il ne peut prêter à un pays que s'il juge sa dette «soutenable avec une très forte probabilité».

«Dialogue difficile»

Pour résoudre ce casse-tête et satisfaire les États-Unis - son principal actionnaire -, le FMI a sommé l'Ukraine d'engager une discussion avec ses créanciers privés afin d'obtenir une réduction de sa dette d'environ 15 milliards de dollars.

Mais les difficiles tractations, engagées depuis plusieurs semaines, se sont pour l'heure révélées infructueuses et font peser la menace d'un défaut de paiement ukrainien qui risquerait de faire fuir encore davantage les investisseurs.

Les créanciers du pays, menés par le fonds d'investissement américain Franklin Templeton, viennent de mettre sur la table une proposition qui reste encore très éloignée des objectifs des autorités ukrainiennes: ils seraient prêts à accepter une décote de 10 % quand Kiev en attend 40 %.

«Les négociations connaissent des progrès» mais «c'est un dialogue difficile», avait reconnu mercredi la patronne du FMI, Christine Lagarde, tout en affirmant que son institution serait prête à continuer à aider le pays même en cas de défaut.

Aux termes de ses règles internes, le FMI peut ainsi continuer à assister financièrement un pays qui a fait défaut vis-à-vis de créanciers privés, à condition qu'il ait engagé des négociations de «bonne foi» avec ses créanciers et qu'il applique les réformes exigées de lui.

C'est ce dernier point qui, selon le Fonds, justifie l'apparente différence de traitement entre l'Ukraine et la Grèce.

Récusant tout «deux poids deux mesures», le FMI a ainsi relevé qu'il s'agissait de pays et «de circonstances très différentes».

«Le gouvernement [ukrainien] a pris des engagements, a mis en place des réformes. Il y a eu beaucoup de progrès», avait déclaré le porte-parole du FMI la semaine dernière, pointant en creux le manque de coopération des autorités d'Athènes.

Depuis l'éviction de l'ancien président Viktor Ianoukovitch au début 2014, le FMI peut, à Kiev, s'appuyer sur un gouvernement pro-occidental et bien plus enclin à appliquer de douloureuses réformes, dont une hausse des prix du gaz.

L'institution peut notamment compter sur la ministre ukrainienne des Finances, Natalie Jaresko, une ancienne membre du département d'État américain qui a reçu la nationalité ukrainienne la veille de sa prise de fonctions à Kiev.

«L'Ukraine est un cas incroyablement encourageant», avait déclaré Mme Lagarde, relevant la détermination des autorités à «changer le visage» du pays en dépit de la situation sécuritaire très compliquée.

Sur le terrain, le conflit opposant l'armée ukrainienne aux rebelles prorusses semble montrer de très fragiles signes d'accalmie après avoir fait plus de 6800 morts en 15 mois.