Le premier ministre grec Alexis Tsipras a réussi dans la nuit de mercredi à jeudi à faire adopter au Parlement les premières réformes exigées par les créanciers en vue d'un nouveau plan d'aide, mais a eu besoin de l'opposition pour atteindre le compte.

Ces mesures, concernant notamment des hausses de TVA, des mesures sur les retraites et l'adoption d'une règle d'or budgétaire, ont été adoptées par 229 voix pour, tandis que 64 députés ont voté contre et 6 se sont abstenus.

Si le parti de droite souverainiste ANEL, qui gouverne avec le parti de gauche radicale Syriza de M. Tsipras, a soutenu celui-ci avec sa douzaine de députés, des défections importantes ont été enregistrées dans le camp du premier ministre.

Ainsi, 39 députés lui ont fait défaut, votant contre (32), comme l'ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis et la présidente du Parlement Zoé Konstantopoulou, s'abstenant (6) ou étant absents (1).

Cela fait perdre au premier ministre sa majorité parlementaire (Syriza et ANEL ont 162 sièges sur 300), sans qu'il en tire immédiatement des conséquences.

Le débat a commencé vers 21h00 heure locale alors que se déroulaient à l'extérieur des échauffourées entre plusieurs dizaines de jeunes gens casqués et masqués et la police.

Jets d'engins incendiaires, destruction de mobilier urbain, de vitrines, ont fait se disperser une manifestation d'environ 12 000 personnes opposées aux réformes, à la suite d'une journée marquée par la première grève de fonctionnaires depuis l'arrivée de Syriza au pouvoir.

«Je suis là parce que le gouvernement n'a pas respecté notre vote du 5 juillet, ni ce que nous vivons depuis cinq ans», a témoigné une manifestante, Heleni, 28 ans.

Plusieurs policiers, et deux photographes de l'AFP, ont été légèrement blessés dans ces incidents, et une quarantaine de jeunes gens ont été arrêtés.

«Le pire moment de ma vie» 

Le vote de jeudi, intervenu environ une heure après la limite de minuit requise par les créanciers, est la première étape d'un parcours du combattant fixé à Athènes lundi matin par l'UE et le FMI, afin de lui permettre d'espérer un troisième plan d'aide d'au moins 80 milliards d'euros.

Le moins qu'on puisse dire est que M. Tsipras et ses partisans, tout en tenant fermement à un oui, n'ont pas survendu le projet.

«Lundi matin à 09h30 (moment de la signature, ndlr) fut le pire moment de ma vie», a ainsi déclaré le nouveau ministre des Finances Euclide Tsakalotos.

M. Tsipras pour sa part a estimé que l'accord prévu, notamment parce qu'il donne de la visibilité pour trois ans, est meilleur que celui que les Grecs ont rejeté le 5 juillet à plus de 61% lors d'un référendum, qui ne portait que sur cinq mois.

Le premier ministre a admis «désapprouver le projet d'accord sur de nombreux points». «Mais c'était ça ou un défaut désordonné», a-t-il soutenu.

Dans la journée, la ministre adjointe des Finances Nadia Valavani a rendu son portefeuille.

Quant à l'ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis, qui ne s'est pas exprimé devant le Parlement, il a comparé l'accord à «un nouveau traité de Versailles», et l'a reproduit sur son blog, entièrement annoté de critiques en rouge, écrivant aux internautes: «Lisez ça et pleurez!».

Autre personnalité à voter non, le ministre de l'Énergie Panagiotis Lafazanis a assuré pour sa part après le vote que Syriza, dont il est à l'aile gauche, continuait «uni, et soutenait toujours fortement le gouvernement».

À la place du premier ministre, a-t-il dit, «je continuerais à gouverner et à appliquer notre programme».

Le président par intérim du principal parti d'opposition Nouvelle démocratie, Evangelos Meimarakis, a indiqué lors de la discussion qu'il ne demanderait rien en échange du vote de ses députés, et a assuré après le vote ne pas solliciter de motion de censure.

«Un peu d'espoir» 

L'actuelle faiblesse de l'opposition grecque pourrait permettre à M. Tsipras de se tirer sans trop de dommages de ce vote gagné sans l'ensemble de son parti. Un sondage paru mardi indiquait de toute façon que, même en cas de remaniement de la coalition, les Grecs veulent le maintenir à la tête du pays à 68%.

Le premier ministre s'est aussi félicité mercredi que l'accord «oblige pour la première fois les Européens à discuter d'une réduction de la dette» du pays, qui atteint 180% du PIB.

Le FMI a fait sensation mardi en semblant mettre dans la balance sa participation au prochain programme d'aide à la Grèce, si les Européens, qui la détiennent en grande majorité, n'allègent pas celle-ci par des allongements de maturité spectaculaires, voire par une réduction pure et simple, dont ils ne veulent pas entendre parler pour l'instant.

Mercredi, la directrice générale du Fonds Christine Lagarde a déclaré avoir désormais «un peu d'espoir» d'être entendue.

Le premier ministre français Manuel Valls s'est montré d'accord pour un «allègement», mais par «reprofilage», pas par réduction franche, mercredi devant les députés français qui ont eux aussi adopté, par 412 voix à 69, le nouveau projet d'accord pour la Grèce.

Mais le texte doit encore passer devant des parlements plus réticents, comme l'allemand ou le finlandais.

Après le premier pas du vote de la nuit, réalisé en deux jours et censé démontrer aux créanciers que la Grèce d'Alexis Tsipras est désormais un partenaire de négociations fiable, Athènes attend désormais jeudi un peu d'air, sous forme d'une aide d'urgence des Européens pour lui permettre de faire face à ses besoins immédiats.

Ils devraient en débattre lors d'un Eurogroupe par téléphone en fin de matinée. La Grèce compte beaucoup aussi sur un relèvement de l'aide d'urgence de la BCE aux banques grecques, jeudi, lors de la réunion des gouverneurs.

Ces banques sont fermées depuis le 29 juin.