La Banque du Japon (BoJ) a abaissé mercredi ses très optimistes prévisions, prenant acte du ralentissement de l'économie au deuxième trimestre, mais son discours reste le même: l'archipel est sur la bonne voie, et la politique monétaire suffisante en l'état.

Elle table désormais sur un produit intérieur brut (PIB) en hausse de 1,7% et une inflation de 0,7% pour l'exercice en cours (avril 2015-mars 2016), alors qu'elle misait précédemment sur +2% et +0,8% respectivement.

Le gouverneur de la banque centrale, Haruhiko Kuroda, a pointé en conférence de presse les faiblesses de l'activité nippone observées au cours des mois d'avril à juin, creux qu'il estime néanmoins temporaire.

La croissance sur la période, qui sera dévoilée à la mi-août, «n'a probablement pas été très solide», a commenté Hideo Kumano, de l'institut de recherche Dai-ichi Life, témoignant de la fragilité de la reprise et du succès plus que mitigé de la stratégie des «abenomics».

Le premier trimestre calendaire avait pourtant dépassé les attentes (+1%), mais les statistiques récentes ont dressé un tableau moins radieux: chute de la production industrielle, manque de vigueur des exportations, demande intérieure encore timorée plus d'un an après une douloureuse hausse de TVA.

«Turbulences extérieures»

Le gouvernement lui-même a reconnu que «l'économie avait piétiné» au printemps. Il parie pour sa part sur une croissance de 1,5% en 2015-2016, tandis que le Fonds monétaire international (FMI) a dégradé la semaine dernière de 1% à 0,8% son estimation pour l'année 2015.

Le Japon n'est en outre pas à l'abri des soubresauts extérieurs, et garde un oeil sur les turbulences grecques et chinoises.

La Chine, partenaire commercial important du Japon, a vu son économie s'essouffler et ses places financières plonger. «Son influence sur le Japon, la région et le monde est grande et nous suivons la situation avec intérêt», a souligné M. Kuroda.

L'enjeu est moindre à l'égard de la Grèce, avec laquelle les liens sont ténus, mais la BoJ n'en reste pas moins attentive aux développements de la crise et «espère une application ferme de l'accord» conclu entre Athènes et la zone euro.

Malgré ces embûches, le gouverneur compte toujours atteindre l'objectif ultime de 2% d'inflation courant 2016, persuadé que, si l'inflation est actuellement «voisine de zéro du fait du déclin des cours de l'énergie», un rebond se profile sur fond de redressement de l'économie.

Forte de ces convictions, la banque centrale a réitéré quasiment à l'identique ses prévisions pour 2016-2017: la croissance est attendue autour de 1,5%, et l'évolution des prix à 1,9%.

De même n'a-t-elle pas jugé nécessaire d'étendre son programme de rachat d'actifs, déjà très ambitieux, à l'issue de sa réunion, à laquelle assistait pour la première fois Yukitoshi Funo, un ancien responsable de Toyota récemment nommé à la BoJ.

«Trop optimiste»

Les neuf membres du comité de politique monétaire ont ainsi reconduit, à 8 voix contre 1, le dispositif d'assouplissement qualitatif et quantitatif visant à augmenter la base monétaire de 80 000 milliards de yens par an (826 milliards de dollars CAN).

Sur la même ligne que M. Kuroda, le premier ministre conservateur Shinzo Abe estime que le Japon est entré dans une nouvelle phase après la récession endurée l'an dernier.

«Les profits des entreprises sont sur une pente ascendante, et ces profits se répercutent en emplois et hausses salariales. Le cercle vertueux de l'économie s'est enfin enclenché», se félicitait-il il y a peu devant des économistes, ignorant les critiques.

Et de citer, pour appuyer ses propos, les bénéfices record des entreprises cotées à la Bourse de Tokyo - «qui ont dépassé, pour la première fois de l'histoire, 20 000 milliards de yens (206,5 milliards d'euros)».

De l'avis de nombreux observateurs cependant, un nouvel assouplissement monétaire apparaît inévitable afin de doper une inflation anémique.

«La vision de la Banque du Japon sur l'économie demeure trop optimiste», relève Marcel Thieliant, de Capital Economics, fustigeant «les changements superficiels» du jour.

«La banque centrale pourrait simplement repousser son calendrier, mais une telle décision minerait sa crédibilité. Une expansion du programme de rachat d'actifs semble plus probable, peut-être dès le mois d'octobre», avance-t-il.