Le pouvoir communiste chinois a évité un vrai krach boursier, au moins temporairement, mais il va falloir du temps à la deuxième économie mondiale pour rétablir la confiance des investisseurs et la crédibilité des réformes, sérieusement écornées par le récent interventionnisme gouvernemental.

Afin d'enrayer la déroute des Bourses de Shenzhen et de Shanghai, cette dernière ayant plongé d'environ 30% en trois semaines, les autorités ont en effet déployé une batterie d'annonces-chocs, censées rassurer mais qui ont également renforcé l'impression de panique générale.

Les régulateurs ont ainsi interdit aux actionnaires possédant plus de 5% dans une entreprise cotée de vendre leur participation au cours des six prochains mois.

Une centaine de grands groupes étatiques chinois se sont par ailleurs vu interdire de vendre les actions de leurs filiales cotées.

De son côté, la banque centrale chinoise (PBOC) a assuré qu'elle fournirait des liquidités abondantes pour stabiliser les Bourses, via le financement des «opérations sur marge» (achats d'actions par endettement).

En outre, les 21 principales maisons de courtage chinoises se sont engagées à investir au moins 19 milliards de dollars supplémentaires sur les marchés.

Autant de signaux, concernant des places boursières où l'écrasante majorité des investisseurs sont des particuliers au comportement jugé imprévisible, qui ont encore davantage troublé les esprits car jugées aller dans le sens opposé de l'ambitieux programme de réformes du secteur financier engagé par Pékin.

Avant de se stabiliser, les marchés ont connu plusieurs journées en montagnes russes. La correction avait elle-même suivi une envolée de 150% de la Bourse de Shanghai en douze mois, en déconnexion flagrante avec l'économie réelle en douloureux ralentissement.

«Les mouvements giratoires des marchés d'actions soulèvent des interrogations sur la direction que veulent prendre l'économie et les politiques (chinoises)», a résumé la banque Goldman Sachs dans une note d'analyse.

«Les dommages causés à la confiance des investisseurs sont graves et il faudra du temps pour les réparer», a-t-elle ajouté.

Un diagnostic partagé par Chen Xingyu, un analyste basé à Shanghai pour la firme Phillip Securities.

Investisseurs échaudés

«De telles embardées témoignent d'un marché en proie à la spéculation, similaire à un casino», a-t-il jugé.

Les boursicoteurs en sortent de toute façon échaudés.

«Les importants hauts et bas récents m'ont plongé dans la confusion», a ainsi confié à l'AFP Wang Yu, un employé de banque de Chongqing qui a calculé avoir perdu 180 000 yuans (37 100$ CAN) en quelques jours.

«Le marché en actions chinois est opaque et il est difficile d'y connaître la vérité», a-t-il ajouté.

Mais la défiance touche aussi l'action du gouvernement, qui a semblé renier sa promesse d'accorder une liberté accrue aux marchés et au secteur privé.

«Il est assuré que le processus de réforme du marché va souffrir de retard», a estimé Chen Xingyu.

D'autres experts tempèrent toutefois les conséquences de la récente correction boursière, finalement limitée si l'on considère l'essor des bourses chinoises sur un an, voire sur six mois.

«Comparativement au début d'année, le marché boursier est encore haut, donc il fait sens de parler de redistribution de richesse plutôt que de destruction de richesse», a ainsi estimé la banque britannique Barclays.

Toutefois, dans le domaine monétaire, la récente volatilité des marchés chinois pourrait selon Barclays pousser le gouvernement à revenir sur sa promesse d'accroître la flexibilité du yuan, par crainte de vente massive de la devise chinoise.

Reste à savoir quand le calme durable s'installera vraiment. Mardi, la Bourse de Shanghai a clôturé en baisse de 1,16% dans une ambiance toujours volatile, après avoir bondi de 13% au cours des trois dernières séances, alors que les investisseurs attendent pour mercredi les chiffres de la croissance chinoise au deuxième trimestre. Shenzhen a elle terminé en hausse de 1,38%.