Honni à Athènes et désavoué par les Européens, le Fonds monétaire international (FMI) aborde le prochain round de négociations avec la Grèce dans une posture délicate, soucieux d'arracher un compromis mais aussi de récupérer l'argent prêté au pays.

Signe de ce flottement, le FMI aura attendu près de vingt-quatre heures pour réagir à la victoire massive du «non» au plan de réformes qu'il avait concocté avec les autres créanciers de la Grèce (Commission et Banque centrale européennes).

«Le FMI a pris acte du référendum tenu en Grèce», a sobrement réagi sa directrice générale Christine Lagarde. «Nous nous tenons prêts à aider la Grèce si on nous en fait la demande», s'est-elle bornée à déclarer.

C'est bien là toute la question: les Européens ont-ils encore envie de voir l'institution de Washington prendre place à la table des négociations ?

Les Grecs ont déjà répondu sans équivoque en faisant porter au FMI une responsabilité «criminelle» dans les cures d'austérité qui ont fait chuter leur produit intérieur brut de 25% sur cinq ans.

Le reste de la zone euro est bien moins tranché mais pas toujours mieux disposé.

En appelant jeudi à accorder une nouvelle aide massive et un allègement de dette à la Grèce, le FMI a ainsi irrité jusqu'à ses plus proches alliés sur le continent, notamment l'Allemagne, au risque d'affaiblir son aura.

«Tant que le Fonds faisait ce que les Européens attendaient de lui, à savoir demander des mesures plus dures à la Grèce, son message était entendu», explique à l'AFP Ashoka Mody, qui fut l'architecte du plan d'aide du FMI à l'Irlande.

«Mais quand il dit des choses que les Européens ne veulent pas entendre, cela ne fonctionne plus», ajoute-t-il.

Situation étrange 

Le FMI ne pourra en tout cas pas mécontenter ses hôtes européens mardi au sommet de l'Eurogroupe: il n'y enverra aucun représentant.

Cinq mois de négociations infructueuses ont eu raison de la patience de l'institution qui attend désormais des actes et un double engagement, des Européens sur la dette et des Grecs sur des réformes douloureuses.

Ses moyens de pression sur Athènes sont toutefois «contraints» maintenant que le pays a fait défaut vis-à-vis de l'institution, affirme à l'AFP Susan Schadler, ancienne directrice adjointe du département Europe du FMI.

En n'honorant pas un paiement de 1,5 milliard d'euros, Athènes ne peut légalement plus avoir accès aux ressources du Fonds.

«C'est toutefois une contrainte assez artificielle qui peut être contournée s'il y a une volonté politique des pays européens dans leur ensemble de voir le FMI jouer un rôle dans le dossier grec impliquant des prêts d'argent», détaille-t-elle.

L'Europe pourrait ainsi décider de rembourser le FMI au nom de la Grèce ou de lui accorder un crédit spécial à cette fin.

Le Fonds ne verrait sans doute pas cette solution d'un mauvais oeil, lui qui est soucieux de rassurer ses États-membres sur sa solidité financière et de mettre les Européens face à leur responsabilités.

«Le FMI est dans une situation étrange (...) Il doit gérer le fait que cela pourrait être la plus grande perte sèche pour le FMI» et «essaye au maximum de déplacer le problème sur le terrain des Européens», a déclaré lundi l'ex-chef économiste de l'institution, Kenneth Rogoff, lors d'une conférence téléphonique.

Critiqué de toutes parts, le FMI peut toutefois encore jouer le rôle de «faiseur de paix» entre Bruxelles et Athènes, au moins par défaut. «Ce n'est sans doute pas l'institution la mieux placée mais c'est la seule», sourit Mme Schadler.

Pour renforcer son rôle dans les négociations, le FMI serait bien avisé de montrer l'exemple sur la dette grecque en donnant lui-même un peu d'air à Athènes, suggère M. Mody.

La Grèce a déposé une demande de délai de paiement sur laquelle le Fonds se prononcera prochainement même s'il s'est déjà dit très réservé sur cette option.

«Le FMI ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre en disant aux Européens d'alléger la dette de la Grèce et de se débrouiller avec les conséquences. S'il faut un allègement de dette, pourquoi ne serait-il seulement accordé que par les Européens», s'interroge-t-il.