Une douce brise rafraichit un peu Athènes en ce dimanche parfait d'été, mais dans le métro, dans les cafés, les mines sont sombres. On parle du référendum, de l'impasse, de cette impression que ni le Oui ni le Non ne régleront vraiment la grave crise que traverse le pays actuellement.

« C'est sûr que je vais voter Non », lance Aris Agtzioglou, agent d'immeuble athénien de 42 ans. « Je n'aime pas les gens qui nous disent de voter Oui. Ce sont ceux qui ont créé le problème ! Si on vote Oui, rien ne changera. » Et Aris veut que ça change. Dans son secteur, rien ne bouge plus. Les prix des logements sont presque 50 % de ce qu'ils étaient en 2010, mais personne n'achète. « Les gens ont peur. » Les gens ont faim, dit-il aussi. Voir des personnes âgées chercher de la nourriture dans la rue, lui crève le coeur. Il n'en peut plus.

Tina, elle, est agente de voyage. Ses clients sont surtout en entreprise et elle vend des voyages aux Grecs qui veulent sortir du pays. En ce moment, le téléphone ne sonne presque plus. Mais pour elle, le salut passe par un Oui à l'Europe, par des actions concrètes pour régler la situation financière du pays. « Je vais définitivement voter Oui », dit-elle. « À ce que je sache, ce gouvernement n'a pas encore réussi à tenir ses promesses, pourquoi le croire maintenant ? »

À la demande du premier ministre de gauche Alexis Tsipras, la Grèce vote aujourd'hui pour ou contre le dernier plan d'austérité proposé par ses créanciers d'Europe et du FMI pour la sortir d'une grave crise de liquidités qui l'accule à la faillite. Le gouvernement actuel est contre, mais il a demandé au pays de donner son avis. La question divise totalement la population et encore cet après-midi, alors que les Grecs se rendaient aux urnes par dizaines de milliers, tous les scénarios étaient possibles, incluant un match pratiquement nul.

Dans la rue, à part les banques fermées et les files d'attente devant les guichets bancaires automatiques où les Grecs ne peuvent retirer que 60 euros par jour, on voit peu de signes flagrants de la crise. Mais on la sent doucement pointer son nez ici et là. Les taxis sont arrêtés et ne sillonnent plus la ville, pour économiser le carburant. Les transports en commun sont gratuits. Les « tavernas » avertissent leurs clients qu'ils veulent être payés en liquidité.

Dans un restaurant près de l'Acropole, Micheline Giroux et Sylvain Giroux, de Laval, prennent tranquillement leur repas. Ils arrivent dans le pays en vacances et trouvent que ce sont les chauffeurs de taxi les plus alarmistes. « Ils vont tous voter Oui, nous ont-ils dit. » Avant de partir, les voyageurs ont reçu des courriels personnalisés des maires de quelques villages où ils ont réservé. « Ils nous souhaitent la bienvenue et nous promettent que tout est normal, de ne pas s'inquiéter. »

Les annulations de voyages sont si nombreuses en ce moment, que l'industrie touristique grecque soigne ses clients minutieusement.

D'origine grecque, Yannis Deliyannis vit à Halifax, mais est en vacances en Grèce en ce moment. Est-il content d'être parti au Canada il y a trois ans ? « Oui, il y a un futur pour moi là-bas. » Il comprend tous ceux qui votent Non. « C'est trop dur ce qu'on nous demande encore. » Comme plusieurs il insiste sur le fait que le referendum ne porte pas sur l'appartenance à l'Europe, mais bien sur un plan d'austérité jugé exagéré par tant de Grecs.

Avec son collant « OXI » collé à son t-shirt, Yannis Chronopoulos, ne laisse pas grand doute sur son vote. Appuyé à un arbre à l'extérieur d'une école où la population va aux urnes, il explique qu'il vote ainsi « parce que je crois au gouvernement de gauche et parce qu'il faut dire Non à l'austérité ». Selon ce retraité du secteur privé, le régime sec des cinq dernières années a peut-être plu aux banquiers, mais n'a pas aidé la Grèce ni les Grecs. Selon lui, la vraie solution à la crise passe par l'effacement d'une partie de la dette et un nouveau départ. 

Député européen de centre droit, Giorgius Kyrtsos du parti Nea Demokratia, croit que le problème actuel, en Grèce, c'est que les politiques d'austérité ont frappé tellement fort, qu'il y a toute une population qui n'a plus rien à perdre. Lui a voté Oui, « parce que c'est le meilleur moyen d'en arriver à une entente (avec les créanciers européens). » Mais il voit bien des gens voter Non par désespoir. « Il y a 1,4 million de chômeurs, des gens qui ne croient pas que notre situation peut empirer. C'est ça le problème avec ce vote : la situation économique de la Grèce a créé trop de victimes. »