C'est jour de référendum dimanche en Grèce. La population doit décider si elle est prête à accepter la proposition du FMI et de l'Union européenne comme solution à la crise de liquidité qui pousse le pays vers la faillite. Notre envoyée spéciale a parlé à des acteurs politiques et à des gens de la rue. Constat:  l'issue du scrutin et la suite des choses sont plus qu'incertaines.

La journée s'étire discrètement sur les terrasses d'Egaleo, quartier populaire du centre-ouest d'Athènes, et Lida et Eleni boivent du thé glacé et de l'eau. De quel côté voteront-elles au référendum dimanche? « On ne sait pas », répond Eleni. « Le Oui ou le Non, c'est pareil, poursuit Lida. Dans les deux cas, c'est la classe moyenne qui va payer. »

Un peu partout à Athènes, malgré le ciel bleu, la brise impeccable, les lauriers en fleurs qui font la joie des touristes, l'atmosphère est à la morosité.

Et samedi, les indécis de ce type étaient encore nombreux, selon les sondeurs, rendant bien difficiles les prévisions sur les résultats du scrutin. Surtout que les recherches mettent les deux camps face à face.

D'un côté, le Non - Oxi en grec - que prône le premier ministre de gauche Alexis Tsípras, qui veut que son peuple refuse la dernière proposition des créanciers, de l'Union européenne et du FMI, jugée trop sévère pour régler les gravissimes problèmes de liquidités et la dette vertigineuse de la Grèce. Et de l'autre, le Oui, - Nai en grec - défendu par une vaste coalition de gens d'affaires, d'entrepreneurs, de fervents partisans de l'Europe et d'autres citoyens qui craignent que si le Non l'emporte, le prix économique - et donc social et politique - de ce rejet, que la plupart associent à un nécessaire abandon de la devise européenne, soit trop élevé.

Une économie « déjà détruite »

« Si le Non gagne, les conséquences économiques seront dévastatrices », explique en entrevue Miranda Xafa, ex-représentante de la Grèce au FMI, aujourd'hui consultante financière. « Il y a déjà des annulations massives dans le secteur du tourisme. Le manque de liquidités fait que c'est déjà difficile d'importer, donc c'est seulement une question de temps avant que les supermarchés et les stations-service ne commencent à être en pénurie. J'ai peur pour mon pays. »

Mais du côté du gouvernement, on est convaincu que c'est plutôt le Oui qui porterait encore plus atteinte à l'intégrité du pays. « L'économie grecque est déjà détruite », a expliqué en entrevue à La Presse le ministre des Affaires maritimes, Theodore Dritsas. « Maintenant, ce qu'il faut, c'est trouver une façon pour qu'elle redémarre. Le peuple grec a droit à ça. » Les scénarios de catastrophe d'une victoire du Non ne lui font pas peur. « Tous les créanciers et tout le peuple grec vont comprendre qu'il faut trouver une solution très rapidement. »

Selon lui, les seuls qui ne voudront pas trouver d'accord ni de solution sont ceux qui ont un intérêt politique à ce que ce soit ainsi.

Panayiotis Gennimatos, ancien président de la Banque européenne d'investissement, est du même avis. « Nous devons augmenter la pression sur les centres de décision européens, explique-t-il. Si le Oui gagne, [dimanche], ils souscriront à genoux à n'importe quel document. Ce sera l'humiliation », dit-il.

Frustration et humiliation

Tassoula Christodoulopoulos, ministre de l'Immigration, interviewée aussi par La Presse, croit que le Non est la meilleure « carte de négociation » et parle d'une démarche humiliante du reste de l'Europe face à la Grèce, qui l'a poussée dans sa situation actuelle. « Les gens ici sont fâchés », dit-elle. La ministre craint-elle que l'Europe réagisse mal devant une victoire du Non et que cela mette en péril l'aide accordée à son pays pour la gestion des réfugiés, un de ses principaux dossiers? « Ça n'a pas été évoqué, répond la ministre de l'Immigration. Et puis, l'Europe a besoin de la Grèce. »

C'est ce que croit aussi Theodore Benakis, un journaliste influent. « [Dimanche] matin, tous les scénarios seront possibles, dit-il, mais pas une sortie de l'Union européenne. » Selon lui, en réalité, la situation actuelle porte essentiellement sur la gestion de la crise financière et touche à la participation de la Grèce à la zone euro. Mais nulle part cela ne remet en question l'adhésion de la Grèce à l'union générale, à laquelle elle a adhéré en 1981 et où elle joue notamment un rôle géopolitique essentiel, selon l'analyste.

De plus, ce partisan du Non ne croit pas que l'UE acceptera de laisser la Grèce en faillite. Les conséquences pour son système bancaire seraient trop lourdes.

Comme président de l'Autorité grecque des marchés financiers, Constantin Botopoulos ne peut pas se prononcer d'un côté ou de l'autre. Mais il avoue qu'il est inquiet du résultat du vote d'aujourd'hui, car la population semble vraiment divisée. « Et je crains que le Non soit interprété comme un non au dialogue », dit-il. Il convient par ailleurs qu'il y a une limite à demander des sacrifices à la population. « On ne peut pas saigner le peuple et l'économie à l'infini. »

Les coupes de salaires? De pensions de vieillesse? « On ne peut plus », décrète-t-il.

Selon lui, la solution passe par d'autres chemins, notamment la lutte contre la fraude fiscale, une augmentation de la productivité, et pas juste dans le secteur touristique.

Actuellement, M. Botopoulos ne travaille pas, car les banques étant fermées, le marché boursier l'est aussi. Envisage-t-il un été de vacances? « Ce serait dommage », répond-il. Mais pour que le marché revienne, il faut que les liquidités reviennent et la confiance aussi, deux ingrédients rares actuellement. « Mais s'il y a reprise des négociations, même sans résultat définitif, on peut avoir espoir », conclut-il.