Le chômage est à un sommet de cinq ans. Les prix de la nourriture, de l'énergie et de l'hébergement montent en flèche. Et les taux d'intérêt du pays sont les plus élevés du monde industrialisé...

Pas de doute, le Brésil se porte mal.

Et dire que la première puissance d'Amérique latine - membre du naguère prestigieux club du BRIC - n'a pas encore touché le fond après trois années de croissance faible, voire nulle, affirment les experts.

« L'économie brésilienne restera en phase de contraction sévère pour les prochains mois... et une bonne partie de 2016 », prévient la Banque Scotia dans une nouvelle étude.

Ce pays a connu un essor remarquable au tournant des années 2000. C'est ce qui rend sa déroute soudaine si difficile à avaler pour les Brésiliens. Anatomie d'une désillusion.

LA BANQUE CENTRALE SONNE L'ALARME

La Banque centrale du Brésil vient elle-même de sonner l'alarme, au risque d'écorcher la confiance fragile des Brésiliens et des investisseurs.

La semaine dernière, la Banque a confirmé ce que plusieurs redoutaient : le « jaguar d'Amérique latine » sera en récession cette année, son PIB se contractant de 1,1 %.

Qui plus est, l'inflation montre toujours son vilain nez dans cette région du monde où la flambée des prix ravive les douloureux souvenirs de l'hyperinflation des années 1980-1990. Selon la banque centrale, l'inflation atteindra un taux alarmant de 9 % à la fin de cette année alors que les autorités aspiraient à la ramener à 4,5 %.

ROUSSEFF EN CHUTE LIBRE

Sans surprise, la confiance des Brésiliens envers la présidente Dilma Rousseff fond comme neige au soleil de Rio Janeiro, en plein carnaval.

Un maigre « 10 % ». C'est le taux d'approbation de la population à l'endroit de son chef d'État, indique un nouveau sondage. Les deux tiers des répondants (65 %), selon l'enquête réalisée au début juin, qualifient la gestion gouvernementale de « mauvaise » ou « très mauvaise ».

Jamais un président brésilien n'a obtenu de telles notes, sauf Fernando Collor de Mello... juste avant que celui-ci ne soit destitué et chassé du pouvoir en 1992.

LE REAL PLONGE, LES TAUX FLAMBENT

Dans un tel contexte, la devise du pays - le real - encaisse tous les coups : celle-ci a plongé d'environ 25 % depuis un an par rapport au dollar américain et de 75 % sur cinq ans.

Et ce, même si la banque centrale a récemment annoncé une autre hausse (une énième en deux ans) de son taux directeur pour le porter à 13,75 % - un sommet parmi tous les pays du G20 - afin d'attirer des capitaux étrangers.

Mais cette politique comporte un coût élevé pour les Brésiliens : les taux sur les prêts à la consommation atteignaient 57,1 % en moyenne, en mai, alors que le taux moyen des cartes de crédit... dépasse les 360 % annuellement, selon les données de la banque centrale.

LES CAUSES

Les causes de la perte de vitesse du Brésil sont nombreuses : 

- Baisse de la demande asiatique pour les matières premières : métaux, énergie, bois... les ventes du Brésil dans plusieurs secteurs, depuis la crise financière 2008, ont souffert du ralentissement en Chine et de la chute des prix des ressources naturelles.

- Jusqu'à récemment, la consommation arrivait à remorquer l'économie. Mais les Brésiliens - aujourd'hui très endettés - sont à bout de souffle. Et le chômage grimpe.

- La corruption. Un problème endémique au pays. Le cas le plus connu est l'affaire Petrobas : l'hiver dernier, on a appris que les grandes firmes d'ingénierie du pays avaient formé un cartel pour se partager les contrats du géant pétrolier et surfacturer. De hauts dirigeants de Petrobas et du gouvernement ont reçu des pots-de-vin de plusieurs centaines de millions à cette fin, secouant la confiance des marchés financiers et des Brésiliens, qui ont envahi les rues pour crier leur colère.

DES REMÈDES

Heureusement, l'espoir est toujours permis dans ce pays riche en ressources naturelles et dont la population jeune et instruite constitue des bases solides pour l'avenir.

Le gouvernement Rousseff est aussi passé à l'action. Il a adopté cet hiver des mesures, parfois douloureuses, pour améliorer les finances de l'État.

De plus, Brasilia vient d'annoncer un vaste plan d'investissement dans les infrastructures désuètes du pays. Un projet d'environ 75 milliards CAN. Ce plan prévoit la construction d'autoroutes, de lignes ferroviaires et d'aéroports. Un pari audacieux, car il faudra financer ces travaux à grands frais.

Dilma Rousseff sera à New York ce matin pour inviter les Américains à investir dans son plan. C'est peut-être sa dernière carte pour réanimer l'économie.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

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