La Commission européenne poursuit son offensive pour lutter contre l'évasion fiscale des multinationales à la suite du scandale LuxLeaks, avec un plan d'action pour tenter d'harmoniser les 28 systèmes européens d'impôt sur les sociétés, immédiatement critiqué pour son manque d'ambition.

Le but est de «lutter activement contre les entreprises qui essaient d'échapper à l'impôt», a résumé mercredi le commissaire chargé de la Fiscalité, Pierre Moscovici, au cours d'une conférence de presse.

«Nous ne pouvons plus tolérer que certaines entreprises, souvent les plus prospères, s'affranchissent de leur juste contribution à l'impôt et que certains régimes fiscaux les encouragent dans cette voie», a-t-il insisté, en référence aux accords fiscaux, ou «tax rulings», mis en évidence par le scandale LuxLeaks.

Ces révélations sur un système d'évasion fiscale à grande échelle avaient mis en lumière le rôle joué par certains États, comme le Luxembourg, dont les accords fiscaux passés avec des multinationales permettent à celles-ci d'échapper en partie ou totalement à l'impôt dans les pays européens où elles opèrent.

Le plan répond à «un principe de base: toutes les entreprises, grandes ou petites, locales ou mondiales, doivent payer leur juste part d'impôt là où se situe l'activité économique et là où elles font leurs bénéfices», a résumé le vice-président de la Commission chargé de l'Euro, Valdis Dombrovskis.

Principale mesure présentée mercredi: la mise en place d'une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés au sein des 28. La Commission avait mis une telle proposition sur la table, connue sous son acronyme Accis, en 2011. Mais les discussions sur ce sujet entre États membres sont dans l'impasse.

Pour en sortir, l'exécutif européen veut procéder par étapes, mais aussi rendre cette assiette commune obligatoire. Chaque pays restera cependant souverain pour fixer son taux d'imposition sur les sociétés.

La Commission finalisera sa proposition d'ici 18 mois. Un calendrier pas assez ambitieux aux yeux d'Alain Lamassoure, président de la commission spéciale du Parlement européen créée après LuxLeaks, qui réclame à la Commission des «propositions concrètes» d'ici «la fin de l'année».

Quant à son collègue belge Philippe Lamberts (groupe des Verts), il estime que «pour être pleinement efficace, une base consolidée doit être accompagnée d'un taux minimum». Actuellement, le taux d'impôt sur les sociétés diffère grandement entre des pays comme l'Irlande, où il est en moyenne de 12,5%, et la France (33,3%).

«Who's who des paradis fiscaux» 

Autre axe de ce programme, la transparence. La Commission a publié mercredi une liste de 30 paradis fiscaux qui figurent tous déjà sur les listes noires individuelles des États membres. Quatre sont situés en Europe (Andorre, Guernesey, le Liechtenstein et Monaco).

«Un who's who des paradis fiscaux qui, de manière bien pratique, épargne les pays de l'UE, en particulier le Luxembourg, est soit une plaisanterie, soit démontre que l'UE est dans le déni concernant le rôle central qu'elle joue dans le réseau mondial des paradis fiscaux», s'est emportée dans un communiqué une responsable de l'ONG Oxfam, Catherine Olier.

La Commission a aussi lancé mercredi une consultation publique pour déterminer s'il faut obliger les entreprises à rendre publiques certaines informations fiscales, notamment leur situation pays par pays, une mesure réclamée par les ONG et déjà appliquée aux banques.

Particulièrement virulente dans ses critiques, l'eurodéputée Eva Joly (groupe des Verts) a estimé que «la décision de ne pas s'engager sur le reporting financier pays par pays marque le peu de détermination de Pierre Moscovici». Pour elle «c'est un acte manqué, pour ne pas dire un torpillage».

M. Moscovici s'en est défendu. «Je sais que c'est une mesure populaire et attendue. Nous voulons y répondre», a-t-il dit, mais «il s'agit de prendre le temps pour bien faire».

Plus nuancée dans ses critiques, la Confédération européenne des syndicats a jugé que le plan d'action offrait «un bon diagnostic, clair, mais aucune perspective immédiate de remède».

D'autant qu'obtenir un accord des 28 en matière de fiscalité est toujours une gageure, car l'unanimité est requise. Mais la volonté politique, sous la pression de l'opinion publique, semble plus forte que jamais, a assuré M. Moscovici, pour qui «les temps sont en train de changer».