En Amérique latine, l'euphorie a fait place à la désillusion : il y a 10 jours, plus de 30 000 protestataires ont envahi les rues de Guatemala City, exigeant la démission du président et des réformes majeures.

Ils emboîtaient le pas aux milliers de citoyens qui avaient, eux aussi, exprimé leur colère à Caracas (Venezuela), Santiago (Chili) et Sao Paulo (Brésil), notamment.

Pendant ce temps, à l'autre bout du monde, la Russie titube au bord de la récession. La Turquie, avec son gouvernement affaibli après les dernières élections, est tombée en panne. Et la Chine ralentit, freinant ses voisins, comme l'Indonésie, la Thaïlande, la Corée du Sud...

Pas de doute, les temps ont changé pour les économies émergentes. Fini, la croissance effrénée du début des années 2000.

Si bien que les grandes institutions économiques internationales multiplient ces jours-ci les mises en garde pour les pays concernés, mais aussi pour le reste du monde.

La crainte, c'est qu'il y a des risques « de contagion », dit le Fonds monétaire international (FMI) : les économies émergentes, qui ont littéralement remorqué les pays industrialisés après la crise financière 2008, deviennent de plus en plus un fardeau.

Ce changement est même mesurable : les 17 pays les plus importants du monde émergent ont eu un « effet négatif » - de - 0,9 % - sur le commerce mondial au premier trimestre 2015, affirme la firme Oxford Economics dans une étude. Il s'agit d'un retournement brutal, car ces mêmes pays nous avaient habitués à une contribution positive de + 2,5 % par an, en moyenne, de 2000 à 2014.

Les causes de ce renversement de tendance ? Les ennuis du monde industrialisé, couplés au ralentissement marqué de la Chine, ont réduit depuis cinq ans la demande (et les prix) des matières premières (pétrole, métaux, etc.). Et ces produits, très souvent, proviennent des pays émergents.

Ceux-ci n'arrivent pas à trouver d'autres moteurs économiques pour maintenir leur allure des beaux jours. Aussi la Banque mondiale prédit que ces pays connaîtront une deuxième moitié « difficile » en 2015.

Tempête en vue

L'inquiétude est d'ailleurs palpable sur les marchés financiers.

Du 3 au 10 juin derniers, les étrangers ont liquidé pour 9,3 milliards US d'actions inscrites aux Bourses des pays émergents - un sommet depuis la crise financière 2008, affirme la firme EPFR Global. 

Le mois dernier, les investisseurs ont liquidé pour 4,4 milliards US d'obligations des économies émergentes, selon l'Institut international de la finance (IIF), à Washington. Or, l'IIF et d'autres sources parlent de retraits de quelques centaines de milliards durant les mois précédents.

Sans surprise, le malaise sur les marchés émergents provoque depuis le début 2015 une remontée des taux d'intérêt s'appliquant aux emprunts des États et des entreprises de ces régions.

Ces rapatriements de fonds affaiblissent aussi les devises. En font foi les replis de 15 à 40 % (sur un an) des monnaies du Brésil, de la Turquie et de la Russie par rapport au billet vert américain.

Somme toute, des experts croient qu'une tempête se prépare. La remontée prévue, à la fin de l'été ou à l'automne, des taux d'intérêt aux États-Unis porterait le coup fatal, rendant la dette et les devises du monde émergent encore moins attrayantes.

Comme les gouvernements et plusieurs entreprises des pays émergents ont contracté d'importants emprunts en dollars américains, on peut imaginer la suite : une glissade précipitée de leur monnaie et une flambée de leurs coûts d'emprunt causeraient de gros dégâts.

Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), la dette totale libellée en dollars américains des pays émergents a plus que doublé depuis 2009, passant de 2000 milliards à 4500 milliards US. Un poids énorme.

Des pays comme le Brésil, la Turquie et l'Afrique du Sud sont particulièrement vulnérables, car leurs échanges internationaux sont déficitaires, les obligeant à se financer à l'étranger. Mais si ces marchés se referment...

« La première hausse de taux par la Réserve fédérale depuis 2008 pourrait raviver la volatilité des marchés », prévient la Banque mondiale dans son dernier rapport. Autrement dit, prévoyons des secousses.

Les pays en développement vont vivre en 2015 leur cinquième année de ralentissement. C'est très long.

Car malgré un essor spectaculaire au tournant des années 2000, la capacité de ces États à absorber les chocs financiers - sorties de capitaux, dépréciation du change, hausse du coût de la dette - reste « limitée », prévient la Banque mondiale.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Source : Bloomberg