La Banque centrale européenne (BCE) va réaffirmer mercredi, après sa prochaine réunion de politique monétaire, sa volonté de mener à terme son programme de rachats massifs de dette, et sa fermeté à l'égard de la Grèce.

Mario Draghi, le président de l'institution monétaire de Francfort (ouest), «va insister sur le fait que la banque centrale va mettre en oeuvre pleinement (ses rachats de dette), parce que la reprise économique serait sinon en danger», prédit Michael Schubert, de Commerzbank.

Depuis le 9 mars, la BCE achète des titres de dette privée et publique - essentiellement des obligations d'État - dans la zone euro, dans le cadre d'un programme baptisé «QE». Elle compte débourser plus de 1100 milliards d'euros d'ici fin septembre 2016, pour, en faisant baisser les taux d'emprunt, relancer l'économie et l'inflation. Sa politique de taux bas et ses prêts géants aux banques ont échoué à faire repartir l'une et l'autre.

La BCE n'a pas manqué de souligner ces dernières semaines l'efficacité de son «QE». Les débuts de l'opération se sont bien passés - point de pénurie de titres à acheter, comme le craignaient certains, et des taux d'emprunt qui sont effectivement rapidement descendus. Conjugué aux signes d'un affermissement de la reprise économique en Europe, ce constat a alimenté des spéculations sur un arrêt avant terme ou une réduction de la voilure. Des options que la BCE devrait encore une fois rejeter.

Le programme, qui a permis l'achat de quelque 220 milliards d'euros de titres en presque deux mois, a reçu de nombreux éloges. «La zone euro souffrait de risques déflationnistes jusqu'à ce que la BCE mette en oeuvre le QE. Maintenant, les risques ont nettement diminué», a salué vendredi dans la presse allemande Haruhiko Kuroda, gouverneur de la banque centrale du Japon, parlant de «succès jusqu'à présent».

La zone euro est sortie de la déflation en avril, avec un taux d'inflation nul.

Ligne dure sur la Grèce

L'action de la BCE suscite également des inquiétudes. M. Draghi a admis «qu'une période trop prolongée de très bas taux d'intérêt réels (pouvait) avoir des conséquences indésirables dans des sociétés vieillissantes», qui comptent sur les intérêts pour alimenter leurs retraites. Et la récente volatilité des marchés financiers, qu'il s'agisse des marchés obligataires - où les taux européens sont fortement remontés ces dernières semaines -, boursiers ou des changes, est imputée en partie au gardien de l'euro.

Ces aspects pourraient faire l'objet de questions lors de la conférence de presse mercredi, note Claudia Windt, de la banque Helaba. Tout comme les prévisions actualisées de croissance et d'inflation, qui ne devraient toutefois changer qu'à la marge par rapport à celles de mars.

Mario Draghi n'échappera pas non plus à des questions sur la Grèce, confrontée à plusieurs échéances de remboursement alors que ses caisses sont vides. La BCE est, aux côtés de la Commission européenne et du Fonds monétaire international (FMI), l'une des trois institutions avec lesquelles négocie Athènes pour obtenir plusieurs milliards d'euros d'aides, en échange d'engagements de réformes.

Dans le même temps, la BCE est le financement de dernier recours des banques grecques, par le biais de prêts d'urgence baptisés ELA, que beaucoup au sein du conseil des gouverneurs voient d'un oeil de plus en plus critique. L'institution a exclu les établissements hellènes de ses opérations régulières de refinancement, et devrait s'y tenir tant que durent les négociations.

«Nous suspectons M. Draghi et ses collègues de vouloir garder une ligne dure sur la Grèce, en insistant sur la nécessité d'un accord pleinement acquis, ou quasiment, avant que la BCE ne soit prête à augmenter à nouveau son exposition» au pays, indique Jonathan Loynes, de Capital Economics.

La réunion de politique monétaire de la BCE a lieu mercredi, au lieu du traditionnel jeudi, en raison d'un jour férié à Francfort jeudi (Fête-Dieu).

Pour Athènes, trouver un accord avec les créanciers est «la seule voie»

Trouver un accord avec les créanciers, UE et FMI, est la «seule voie» pour la Grèce, a affirmé le ministre grec de l'Économie Georges Stathakis dans un entretien paru dimanche au journal Realnews.

«La conclusion d'un accord est la seule voie, il n'y a pas d'autre possibilité», a indiqué le ministre. «Dans le cas contraire, surtout la Grèce, mais aussi l'Union européenne (UE) vont entrer en territoire inconnu», a-t-il prévenu.

Les négociations entre le gouvernement grec de gauche radicale et ses créanciers pour débloquer la dernière tranche des prêts UE-FMI au pays, soit environ 7 milliards d'euros, durent depuis plusieurs mois.

Ces derniers jours les deux parties ont indiqué que des progrès avaient été enregistrés malgré des divergences.

«Nous souhaitons conclure l'accord pour nous assurer des sommes nécessaires, qui nous permettront de remplir nos obligations à la fois à l'intérieur du pays et à l'étranger», a souligné Georges Stathakis.

Le ministre a affirmé que le pays «allait honorer ses dettes» aux créanciers et verser le 5 juin la tranche des prêts de 300 millions euros au FMI.

Le premier ministre Alexis Tsipras s'est entretenu jeudi au téléphone avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande.

Ces deux dirigeants doivent se rencontrer lundi à Berlin avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, pour discuter du renforcement de la zone euro, mais le sujet de la Grèce est également à l'ordre du jour, selon des médias grecs.