Le projet de Partenariat transpacifique vient de faire un bond en avant avec le feu vert du Sénat accordé au président américain Barack Obama pour accélérer les négociations. Il est maintenant possible qu'un accord soit conclu avant la fin de l'année. Plus qu'une entente commerciale, ce partenariat vise à redéfinir la zone d'influence des États-Unis en Asie, pour ne pas laisser toute la place à la Chine. Le rôle des partenaires traditionnels des Américains, comme le Canada, pourrait en être diminué. Explications.

Un accord mammouth

Les États-Unis tiennent à redéfinir les règles commerciales avec les pays d'Asie pour freiner l'influence de la Chine dans cette partie du monde. «Si nous ne le faisons pas, la Chine le fera, et l'Amérique sera écartée», a dit Barack Obama dans une entrevue récente au Wall Street Journal. L'Asie devrait regrouper les deux tiers de la population du monde en 2030 et produire la moitié de la richesse mondiale en 2050. Douze pays participent aux négociations. En plus des États-Unis et du Canada, il y a l'Australie, Brunei, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam.

Des embûches pour Obama

C'est dans son propre parti que le président Obama fait face aux plus grandes critiques de son projet de libre-échange. Les syndicats et les groupes environnementaux qui forment la base électorale des démocrates sont traditionnellement contre le libre-échange, et même Hillary Clinton, candidate à la succession présidentielle, s'éloigne de ses convictions libre-échangistes. Il faut faire attention au commerce pour le seul mérite du commerce, a-t-elle dit.

Un bâton dans les roues du Canada

Le Canada est un partisan enthousiaste du projet, mais la nouvelle impulsion donnée au Partenariat transpacifique contrarie ses efforts pour conclure ses propres accords avec les partenaires de son choix. Ainsi, les discussions en cours entre le Canada et le Japon pour conclure un accord commercial bilatéral axé sur l'énergie avaient progressé à bonne vitesse, mais elles traînent maintenant en longueur. Le Japon ne serait plus intéressé à s'entendre avec le Canada maintenant qu'un accord plus large piloté par les États-Unis est en vue.

Les questions sensibles

Au Canada, la concrétisation du Partenariat transpacifique aurait un effet accélérateur sur l'économie canadienne, selon le gouvernement Harper. L'accord pourrait avoir un effet positif de 0,5% sur le produit intérieur brut canadien, soit l'équivalent de 9 milliards de dollars, estime l'Institut Fraser. Le Partenariat couvre non seulement les tarifs douaniers, mais aussi les normes sanitaires, les produits financiers, la culture et l'agriculture.

Les agriculteurs sur le pied de guerre

Tout nouvel accord commercial impose toutefois des compromis à ses signataires. Et au Québec, les agriculteurs craignent l'élimination de la gestion de l'offre, qui permet d'équilibrer l'offre et la demande et d'assurer des revenus stables aux producteurs. L'Union des producteurs agricoles a fait une sortie publique à ce sujet lundi en compagnie du ministre québécois de l'Agriculture, Pierre Paradis, et d'autres représentants de l'industrie. Aux États-Unis, les syndicats craignent de voir disparaître d'autres usines au profit des producteurs asiatiques, dont les coûts de main-d'oeuvre sont plus bas.

La suite prévue

L'accord du Sénat pour mettre les négociations sur le Partenariat transpacifique change la donne pour le président Obama, estime John Parisella, membre associé de l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand de l'Université du Québec à Montréal. Selon ce spécialiste de la politique américaine, cette entente commerciale pourrait devenir un des legs de la présidence Obama, au même titre que l'Obamacare ou l'entente avec l'Iran sur les armes nucléaires. C'est la Chambre des représentants, à majorité républicaine, qui décidera maintenant de la suite des choses. Si le président réussit ce pari, ce sera grâce aux républicains, traditionnellement en faveur du libre-échange.