L'agence de notation financière Fitch a annoncé lundi qu'elle dégradait d'un cran la note souveraine du Japon, quelques mois après une sanction similaire de Moody's, jugeant le programme du gouvernement conservateur de Shinzo Abe insuffisant pour assainir les finances publiques d'un pays surendetté.

L'archipel voit son appréciation rétrogradée de A+ à A, la sixième meilleure sur 22 échelons, note assortie d'une perspective stable, ce qui signifie que Fitch ne prévoit pas de la modifier dans les mois à venir.

L'agence a ainsi mis à exécution la menace qu'elle avait proférée en décembre, après la décision du premier ministre de différer à avril 2017 une seconde hausse de taxe sur la consommation, à l'origine prévue pour octobre 2015, alors que la première, il y a tout juste un an, avait heurté de plein fouet l'économie.

Cette mesure visait à pérenniser le système de protection sociale et à enrayer l'envolée de la dette publique nippone, qui pourrait s'élever à 244% du Produit intérieur brut (PIB) d'ici fin 2015, un niveau sans égal parmi les pays développés.

Or «le gouvernement n'a pas prévu dans son budget 2015-2016 de mesures structurelles suffisantes pour compenser ce report», a estimé Fitch dans un communiqué.

«Il doit dévoiler une nouvelle stratégie fiscale au cours de l'été. Les détails du plan seront importants, mais la détermination du gouvernement à le mettre en oeuvre le sera encore plus», poursuit l'agence qui fait part de ses «incertitudes» à ce sujet.

«Maintenir la confiance»

Le Parlement a validé début avril un budget record de 96.340 milliards de yens (744 milliards d'euros) pour la période d'avril 2015 à mars 2016, voulu plus rigoureux car financé davantage par les recettes d'impôts et moins par l'émission de nouvelles obligations d'État.

Le gouvernement est dos au mur, alors que les institutions internationales ne cessent de le rappeler à l'ordre.

«Une stratégie crédible de moyen terme (...) s'avère urgente pour maintenir la confiance des marchés» dans les finances de la troisième puissance économique mondiale, a ainsi prévenu mi-avril le Fonds monétaire international (FMI).

Tout aussi récemment, l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) a tiré la sonnette d'alarme dans un pays où le vieillissement rapide de la population met sous pression les dépenses publiques.

Son secrétaire général, Angel Gurria, a insisté sur l'importance de porter la TVA à 10% (contre 8% aujourd'hui), et plus encore par la suite, pour s'aligner sur la moyenne de l'OCDE qui est de 20%.

Certes, «les recettes fiscales en provenance des entreprises sont en forte hausse, dopées par des résultats vigoureux», souligne Fitch.

Mais le gouvernement ne pourra pas compter éternellement sur une telle embellie, en grande partie liée à la dépréciation du yen. «La pression sur le budget pourrait s'accroître si les profits retombent», prévient l'agence de notation.

«Doutes» sur les Abenomics

Les craintes essaiment aussi au sein de l'archipel. Le gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda, rappelle régulièrement l'importance d'un assainissement des comptes, parallèlement à sa propre politique monétaire ultra-accommodante, menée dans le cadre de la stratégie dite des «Abenomics».

Cette ambitieuse politique de relance, mise en oeuvre depuis fin 2012 sous l'égide de Shinzo Abe, peine à porter ses fruits. Après des débuts encourageants, elle accumule les revers.

Le Japon est certes sorti de la récession au dernier trimestre 2014, mais la consommation des ménages et l'investissement des entreprises continuent à montrer des signes de faiblesse, rappelle Fitch qui voit là un autre élément négatif.

«Sur la période 2011-2015, le taux de croissance moyen (+0,8%) s'inscrit bien en deçà du groupe des pays les plus riches de l'OCDE», précise l'agence. Et d'émettre «des doutes» sur les perspectives à moyen terme, deux ans après le lancement des Abenomics, dont le volet des réformes structurelles montre des «progrès limités» à ses yeux.

En dépit de ces «vulnérabilités», l'agence Fitch salue «l'exceptionnelle flexibilité financière» du Japon, où la plupart de la dette est détenue par des investisseurs nationaux à de très faibles taux d'intérêt, ce qui épargne à l'archipel un scénario à la grecque.