La Commission européenne s'apprête à passer à l'offensive contre le géant gazier russe Gazprom, en lançant mercredi une procédure pour entrave à la concurrence, au risque de tendre un peu plus les relations avec Moscou, selon plusieurs sources proches du dossier.

Une semaine après s'en être pris au géant américain de l'Internet Google, la Commission européenne va faire parvenir au groupe russe une «communication de griefs», a-t-on appris lundi de deux sources proches du dossier. Les services de la concurrence à la Commission se sont refusés à tout commentaire.

«Nous surveillons si les clients obtiennent les meilleurs prix ou si une compagnie en position dominante utilise sa force pour pratiquer des prix différents selon les clients», a affirmé lundi la commissaire européenne responsable du dossier, Margrethe Vestager dans un entretien à Bloomberg TV.

«Cela signifie beaucoup si un pays paie plus pour son gaz qu'il ne devrait», a ajouté la commissaire, sans toutefois confirmer les informations sur Gazprom.

La «communication de griefs» fait suite à une enquête ouverte par Bruxelles en septembre 2012. La Commission soupçonne le géant russe d'entraver la libre circulation du gaz entre États européens, d'avoir empêché la diversification de la distribution de gaz et d'avoir imposé des prix non équitables à ses clients en établissant un lien entre le prix du gaz et celui du pétrole.

Ces pratiques concernent la Lituanie, l'Estonie, la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, la Lettonie, la Slovaquie et la Pologne.

Si la Commission conclut qu'il y a infraction, elle peut imposer une amende allant jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise visée. Le chiffre d'affaires de Gazprom s'est élevé à 5.249 milliards de roubles (93 milliards d'euros au cours de lundi) en 2013. Les résultats financiers de l'entreprise publique russe pour l'année 2014 n'ont pas encore été publiés.

La décision doit être formalisée mercredi lors de la réunion hebdomadaire des commissaires européens. Mercredi dernier, Mme Vestager, avait lancé une procédure contre le géant de l'internet Google pour abus de position dominante, une mesure qui avait fait grand bruit après près de cinq ans d'enquête.

Une source proche du dossier a confié à l'AFP que la décision de lancer une procédure contre Gazprom «ne fait pas encore l'unanimité» au sein de l'exécutif européen.

Le risque mis en avant est celui d'une réaction politique très dure de la part de Moscou, car le groupe, véritable bras gazier de la Russie, a fait savoir la semaine dernière à la Commission européenne qu'il souhaitait un accord à l'amiable, a indiqué à l'AFP une autre source proche du dossier.

En 2014, la Commission européenne avait déjà rappelé Gazprom au respect des règles européennes en matière de marchés publics pour le projet de gazoduc South Stream. La Russie avait en réaction annoncé en décembre qu'elle abandonnait ce projet, censé diversifier les routes gazières vers l'UE en contournant l'Ukraine.

Gazprom a l'ambition de construire un nouveau gazoduc à destination de la Turquie pour compenser l'abandon du projet South Stream, mais la Turquie et la Russie n'ont pas encore signé d'accord définitif sur ce projet. La Grèce s'est dite d'ores et déjà intéressée par une prolongation de ce tuyau sur son territoire.

Le patron de Gazprom, Alexeï Miller, doit se rendre mardi à Athènes où il rencontrera le premier ministre Tsipras pour discuter de «questions énergétiques».

Des rumeurs évoquent un projet d'accord entre Athènes et Moscou pour l'extension à la Grèce du «Turkish stream». «Nous avons plusieurs questions énergétiques différentes à aborder comme le gazoduc, mais aussi le prix du gaz», a indiqué à l'AFP un porte-parole du ministère grec sans confirmer la signature d'un accord.