Quelque 75% d'une centaine de grands patrons japonais jugent que l'économie nippone prospère, mais la population dans son ensemble, elle, reste dubitative sur les bienfaits de la politique «Abenomics», selon deux enquêtes distinctes publiées dimanche et lundi.

Les trois quarts des dirigeants interrogés estiment que grâce à la baisse du yen et des cours du pétrole ainsi qu'à la santé recouvrée de la conjoncture américaine, la situation du Japon s'améliore, d'après un sondage régulier du groupe de presse économique Nikkei. Ils n'étaient que 40% à penser la même chose en décembre dernier. Cette fois, aucun ne pense que l'environnement se dégrade.

La majorité considère que la situation va continuer de s'embellir, invoquant comme principale raison une reprise de la consommation des particuliers (84%) et, dans une moindre mesure, des dépenses des sociétés (47,5%).

Ces grands patrons se montrent en outre très enclins à investir dans des biens d'équipement ou pour acquérir d'autres sociétés, alors qu'il est de plus en plus reproché aux sociétés japonaises cotées de laisser dormir un trésor de guerre de liquidités accumulées de près de 100.000 milliards de yens (770 milliards d'euros), un record.

Cette opinion globalement optimiste des hauts dirigeants ne semble toutefois pas partagée par l'ensemble des citoyens, à en croire une autre enquête du même Nikkei.

À la question, «pensez-vous que grâce à la politique Abenomics du premier ministre Abe, la conjoncture économique du Japon va s'améliorer ?», seulement 36% répondent oui, quand 47% tranchent par un non.

La différence est cependant nette entre ceux qui tendent à soutenir le gouvernement de droite en place et ceux qui ne lui accordent pas leurs suffrages.

Un écart important se dessine aussi entre les générations (les jeunes sont plus optimistes alors qu'ils sont souvent considérés comme moins favorisés que les personnes âgées), et entre les sexes, les hommes ayant un avis plus positif que les femmes.

Le gouvernement de Shinzo Abe a fait de l'éradication de la déflation et du redressement économique durable la priorité de son action à la tête du pays, depuis son retour en décembre 2012.

Aidé par la banque centrale, il a obtenu quelques bons résultats dans les premiers mois, avec une très importante baisse de la monnaie japonaise face à l'euro et au dollar, mais sa décision de relever de 5% à 8% le 1er avril 2014 le taux de la taxe sur la consommation a temporairement replongé le pays dans la récession et la croissance de l'an passé a été nulle.

Toutefois, une reprise s'est dessinée au dernier trimestre 2014 et le gouvernement veut croire que, grâce notamment aux augmentations de salaire qui viennent d'être décidées dans les grandes sociétés, cette fois est la bonne.

L'exécutif a d'ailleurs amélioré ce lundi pour la première fois en huit mois son diagnostic économique porté sur la base des plus récents indicateurs.

Il souligne dans le document que pour le mois de mars «grâce entre autres à l'embellie perçue du côté des entreprises, se poursuit une reprise modérée».

Il remplace ainsi une portion de phrase qui soulignait encore le mois dernier les « faiblesses concernant notamment les dépenses de consommation des particuliers».

Et de signaler plus loin que des mouvements positifs sont désormais perceptibles du côté des revenus des entreprises, alors qu'il parlait de stagnation globale un mois plus tôt. La production tend aussi à «se redresser», alors qu'il ne s'agissait en février que de frémissements.

Ce diagnostic est censé résumer l'état général de l'économie du pays à partir des statistiques éparses publiées chaque mois, afin de donner des indications sur les résultats des dispositions prises par l'État et d'attirer son attention sur les points faibles.