Le FMI a approuvé mercredi un programme d'aide «risqué» de 17,5 milliards de dollars pour l'Ukraine, moins d'un an après un précédent plan qui s'est avéré insuffisant face à l'ampleur du conflit dans le pays.

«Le programme est ambitieux et comporte des risques, provenant notamment du conflit dans l'est du pays», a reconnu dans un communiqué la patronne du Fonds monétaire international, Christine Lagarde.

Le feu vert de l'institution va se traduire par le versement imminent de 5 milliards dans les caisses de l'État ukrainien, apportant une bouffée d'oxygène pour un pays aux prises avec une insurrection prorusse qui étouffe son économie.

«Le plan est de débourser 10 milliards de dollars durant la première année», a précisé Mme Lagarde lors d'une conférence de presse à Berlin où elle a rencontré mercredi la chancelière allemande Angela Merkel.

Il ne s'agit toutefois pas d'un blanc-seing: le reste des prêts, échelonnés sur les quatre prochaines années, ne sera versé qu'à la condition que les autorités appliquent les réformes drastiques réclamées par le Fonds. Des audits réguliers seront menés à Kiev pour s'en assurer.

«Les autorités ukrainiennes continuent à démontrer un solide attachement aux réformes», a affirmé Mme Lagarde, notant que le pays avait maintenu une discipline budgétaire «dans un contexte très difficile».

Aux abois financièrement, le gouvernement ukrainien a ainsi donné des gages de bonne volonté à l'institution internationale, au risque de froisser sa population.

Parmi les mesures les plus impopulaires figurent le triplement du prix du gaz pour les ménages et la réduction de 15% de certaines pensions de retraites.

En dévoilant ce train de mesures début mars, le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk avait d'ailleurs admis qu'une partie d'entre elles étaient «très mal accueillies» par la population.

C'est loin d'être le seul tracas pour l'Ukraine qui a perdu le contrôle de ses poumons industriels à l'est du pays, tombés aux mains des séparatistes russes avec lesquels un cessez-le-feu précaire a été conclu à la mi-février.

Après deux ans de récession, la monnaie ukrainienne a perdu plus de 40% de sa valeur depuis le début de l'année et ses réserves de devises sont proches du néant.

L'aide du FMI ne sera d'ailleurs pas suffisante et s'inscrit dans un plan global de 40 milliards de dollars dont les contours commencent lentement à se préciser.

En sus de l'apport de pays donateurs, les créanciers privés de l'Ukraine doivent y contribuer à hauteur de 15 milliards de dollars via une restructuration de dette actuellement en discussion et dont les modalités (effacement de dette, rééchelonnement...) restent à déterminer.

Inquiétudes

Pressé par ses principaux actionnaires, États-Unis et Europe, le Fonds confirme en tout cas avec cette annonce son engagement dans le casse-tête ukrainien.

En avril dernier, l'institution avait déjà octroyé au pays une ligne de crédit de 17 milliards de dollars, dont seulement 4,6 ont été effectivement déboursés et qui est donc abandonnée aujourd'hui après avoir fait preuve de ses limites.

Soutenu à bout de bras par la direction du FMI, ce nouveau plan, le quatrième en Ukraine depuis 2008, fait toutefois grincer quelques dents au sein de l'institution, habituée à traiter avec des pays en crise, mais pas en guerre.

«Mon inquiétude est que nous courrons le risque de ne pas avoir une vision suffisamment claire de la contribution des autres sources, privées et publiques», affirmait fin février à l'AFP Paulo Nogueira Batista, directeur général du FMI pour le Brésil et 10 autres pays.

«Cela pourrait vouloir dire que le Fonds devra porter un fardeau excessif», avait ajouté le représentant, ultra-minoritaire au sein du Fonds.

Selon les Cassandre, le FMI prend plus généralement le risque de s'embourber dans un pays, qui lui doit déjà 5,2 milliards de dollars, alors que le conflit ne donne que de fragiles signes d'accalmie sur le terrain.

Mardi, les États-Unis ont accusé la Russie d'imposer le «règne de la terreur» dans les régions séparatistes ukrainiennes. De son côté, Moscou dément toute implication dans ce conflit qui a fait plus de 5600 morts depuis près d'un an.