Le Japon a renoué avec la croissance au quatrième trimestre, mais plus modestement qu'annoncé mi-février, selon des statistiques en forme d'avertissement pour le gouvernement et la Banque du Japon, engagé dans une difficile stratégie de relance.

Le produit intérieur brut (PIB) s'est redressé de seulement 0,4% d'un trimestre sur l'autre, a annoncé lundi le gouvernement, révisant négativement l'évaluation préliminaire de 0,6%.

Si la troisième puissance économique mondiale est bien sortie de récession, l'embellie est restée timide, et sur l'ensemble de l'année dernière, la croissance a même été nulle à tendance négative (et non pas positive comme espéré jusqu'ici).

C'est la première fois depuis la triple catastrophe de mars 2011 (séisme, tsunami et accident nucléaire) que le Japon connaît une performance annuelle aussi médiocre. Le PIB avait alors accusé un repli de 0,5%, avant de retrouver du tonus les années suivantes (+1,8% en 2012, +1,6% en 2013).

Mais la reprise a déraillé sous l'impact du relèvement de la TVA, passée le 1er avril 2014 de 5% à 8%.

Cette mesure a provoqué une nette contraction de la consommation des ménages, et de l'économie en général pendant deux trimestres consécutifs (-1,6% au 2e trimestre, puis -0,7% entre juillet et septembre, une évolution abaissée lundi pour la troisième fois).

Abe imperturbable

Ce n'est que dans les derniers mois de l'année que les particuliers ont recommencé à dépenser (+0,5% selon les données révisées, soit mieux qu'escompté mi-février).

Les dépenses publiques ainsi que les exportations ont également contribué positivement au PIB. Les investissements non résidentiels se sont en revanche avérés moroses (-0,1%) alors qu'ils étaient vus en faible augmentation auparavant, les entreprises réduisant par ailleurs leurs stocks.

Même si le gouvernement ne cesse de clamer sa confiance, ces statistiques dressent un tableau très mitigé de l'économie, près d'un an après la hausse de taxe.

Revenu au pouvoir fin 2012, le premier ministre Shinzo Abe a juré de redonner au Japon son lustre d'antan, via une ambitieuse politique de relance baptisée «abenomics».

Bien que le scepticisme grandisse dans l'archipel sur son efficacité, M. Abe s'est dit convaincu dimanche, lors de la convention annuelle de son Parti Libéral-Démocrate (PLD, droite), que cette stratégie produisait les effets escomptés.

Il a promis, avant une série d'élections locales mi-avril, de poursuivre les réformes afin de confirmer l'élan et d'extirper le pays d'«une période sombre».

De la même manière, la banque centrale a défendu son action lundi. Dans un discours devant des hommes d'affaires à Ehime, Hiroshi Nakaso, adjoint au gouverneur Harukiho Kuroda, a tenté de «dissiper les doutes».

Un geste de la Banque du Japon dès avril?

Le Japon n'a certes pas encore vaincu la déflation, mais le généreux programme de rachat d'actifs lancé en avril 2013 porte ses fruits, a-t-il estimé.

Le haut fonctionnaire a cité l'impact positif de l'affaiblissement du yen - conséquence indirecte de la politique monétaire ultra-accommodante - sur les exportations, redevenues vigoureuses sur fond de compétitivité accrue des firmes nippones.

Le déficit commercial s'est ainsi fortement réduit en janvier, permettant au Japon d'afficher un petit excédent de ses comptes courants, fait notable pour un début d'année.

La balance des transactions courantes, considérée comme un bon indicateur de la situation d'une économie par rapport au reste du monde, a également bénéficié du plongeon des prix du pétrole depuis l'été dernier.

Très handicapant pour l'inflation, qui a ralenti en début d'année pour tomber à son plus bas niveau depuis mai 2013, le déclin des cours du brut sera «positif à long terme» sur l'économie, et donc dopera les prix, a insisté M. Nakaso. Selon ses calculs, ce phénomène réduit la facture énergétique de «plus de 7000 milliards de yens» (73 milliards de dollars CAN) pour le Japon extrêmement pauvre en ressources naturelles.

Malgré tout, nombre d'économistes restent persuadés que la Banque du Japon ne pourra pas rester les bras croisés si, ce qui est fort probable, l'indice des prix s'aventure de nouveau en territoire négatif.

«Nous pensons que la banque centrale annoncera un nouveau geste lors de la réunion de fin avril afin d'afficher sa détermination à atteindre son objectif d'inflation de 2%», prédit Marcel Thieliant, analyste chez Capital Economics.