Des aéroports, des ponts, des trains à grande vitesse... la Chine lancera cette année quelque 400 projets d'infrastructures pour stimuler son économie en perte de vitesse.

Selon diverses sources, c'est au moins 1300 milliards de dollars canadiens (Bloomberg), voire jusqu'à 2000 milliards (banque Goldman Sachs) que Pékin va consacrer à un plan de relance qui, officiellement, n'existe pas... Du moins, pas comme le vaste plan que le gouvernement avait déballé publiquement en 2009 pour contrecarrer les effets de la crise financière.

Reste que d'ici 12 mois, de nouvelles lignes ferroviaires, des ponts, des aéroports et des autoroutes seront construits à foison grâce à des financements publics ou par l'entremise de sociétés d'État.

Au moins un projet est déjà en marche: Pékin se dotera d'un troisième aéroport d'ici à 2019, un investissement de 15 milliards CAN. Dans la province rurale d'Anhui, 18 ponts additionnels seront construits sur le Yang Tsé pour permettre de franchir ce fleuve tous les 15 kilomètres.

La Chine veut ainsi améliorer ses liens à l'intérieur du pays, mais aussi avec le reste du monde. Un bel exemple: on jettera en 2015 les bases d'un futur corridor ferroviaire à grande vitesse menant au coeur de l'Europe.

Dans un premier temps, la Chine, la Hongrie et la Serbie viennent de signer un accord sur la construction d'un lien de type TGV reliant Belgrade à Budapest. Pékin ambitionne par la suite de relier le port grec de Pirée (dont deux terminaux appartiennent au géant maritime chinois Cosco) par un chemin de fer passant par les Balkans.

Certes, des liens ferroviaires existent de longue date entre l'empire du Milieu et le Vieux Continent. Mais la nouvelle voie ferrée, qui serait achevée en deux ans, permettra d'accroître la vitesse des trains de 40 à 200 km/h sur certains tronçons.

Panique à Pékin?

Vus de notre bout du monde, ces investissements sont une bonne nouvelle, car ils vont stimuler la demande pour les métaux et la technologie à l'échelle mondiale. Or, pour certains experts, ces milliards injectés dans la brique et le mortier témoignent de «l'inquiétude grandissante du gouvernement chinois face à une économie en perte de vitesse», dit la Banque BNP.

Durant la période des Fêtes, divers indicateurs ont confirmé l'essoufflement de la deuxième économie mondiale.

Notamment, la production industrielle chinoise a connu en novembre un fort ralentissement avec une hausse de 7,2% sur un an, très en deçà des progressions de septembre (+8% sur un an) et d'octobre (+7,7%).

Depuis l'automne, les salves de statistiques décevantes se suivent pour le géant asiatique, qui a aussi annoncé un plongeon inattendu (-6,7%) de ses importations.

Plus grave encore, les ventes immobilières des 11 premiers mois de 2014 ont chuté de 8,2% sur un an. Dans cette foulée, les prix immobiliers sont en baisse de 1 à 9% dans les 70 villes recensées par une enquête nationale. Ce ralentissement est préoccupant, car l'immobilier et la construction représentent 12,8% de l'économie chinoise, mais 33% en incluant ses effets indirects, estime le Fonds monétaire international.

Un pas en arrière

Si la valse des milliards peut redonner un élan à la Chine, elle marque un retour en arrière pour Pékin, qui voulait réformer une économie trop axée sur les infrastructures et le crédit.

Il y a environ deux ans, le gouvernement s'est donné pour objectif de «rééquilibrer» le modèle économique du pays, en dopant la consommation des ménages, en contenant le crédit et en réduisant les surcapacités industrielles. Or, ce virage est de toute évidence long et difficile à négocier.

À preuve, la croissance économique - variant de 10 à 12% par an durant la dernière décennie - a ralenti à 7% à la fin 2014, selon la banque Nomura.

Même la Banque de Chine, la banque centrale du pays, a été appelée en renfort, elle qui a surpris tout le monde le mois dernier en abaissant ses taux d'intérêt - mesure inédite depuis 2012 - pour encourager le crédit.

Plus d'infrastructures. Plus de crédit... Pas facile pour la Chine de se débarrasser de ses vieilles habitudes.

Un gaspillage?

Dépenser pour relancer l'économie. Bonne idée, sauf si ces investissements publics sont de plus en plus inefficaces, comme en Chine.

Dans un rapport publié en décembre, deux économistes de la Commission nationale de développement et de réforme (CNDR), une agence chinoise, ont analysé divers paramètres. Ils concluent que Pékin doit dépenser de plus en plus - et parfois mal - pour avoir le même impact sur l'économie.

Notamment, on calcule que dans les années 80 et 90, l'État devait dépenser 2,60$US pour ajouter 1$US à la croissance économique. Or, il faut maintenant injecter 4$US pour obtenir le même résultat, ce qui renforce la thèse voulant que beaucoup d'investissements publics en Chine soient du «gaspillage», disent les chercheurs du CNDR.