Les Lituaniens se sont réveillés jeudi dans la zone euro que ce pays balte de trois millions d'habitants a intégrée au milieu de la nuit sans accros, selon la banque centrale lituanienne.

«Le passage à la nouvelle monnaie était réussi, sans accros», a déclaré aux journalistes le gouverneur de la banque, Vitas Vasiliauskas.

La Lituanie a opté pour l'euro dans l'espoir de mieux s'arrimer à l'Ouest face à d'hypothétiques ambitions de Moscou et malgré le risque de voir les prix s'envoler. Avec son adhésion, environ 337 millions d'Européens de 19 pays partagent désormais la même monnaie, a souligné la Commission européenne.

Plusieurs magasins ont ouvert leurs portes jeudi matin à Vilnius où les premiers clients ont pu faire leurs achats, en faisant un savant calcul pour payer en euro.

«On a l'impression que tout coûte moins cher: les chiffres sont plus petits. Il est temps de se rappeler les mathématiques», a déclaré à l'AFP Kastytis Backis, 32 ans, à la sortie d'un magasin.

Pour faciliter la transition, les prix sont affichés à la fois en euro et en litas, la monnaie nationale qui restera en circulation pendant encore quinze jours et qui se convertit au taux de 3,4528 pour un euro.

Mais Modesta Kamarauskaite, une vendeuse de 22 ans dans une boulangerie, a quelques angoisses.

«Je ne connais pas bien les nouvelles pièces. Ce sera intéressant, mais difficile. Les gens vont plutôt payer au début en litas, pour s'en débarrasser», et il leur faudra leur  rendre la monnaie en euro, note-t-elle.

Zigmas Saltenis, un retraité qui se rappelle encore les litas d'avant la Seconde Guerre mondiale, n'a pour sa part pas de crainte.

«Tout va bien, j'ai vu dans ma vie beaucoup de différentes monnaies», sourit-il.

Quelques minutes après que des feux d'artifice à minuit ont salué dans le ciel lituanien l'arrivée de l'euro et du Nouvel An, le premier ministre Algirdas Butkevicius a retiré d'un distributeur un premier billet de 10 euros, en présence de plusieurs personnalités.

«L'euro servira de garantie à notre sécurité économique et politique», a-t-il déclaré avant de lever le billet haut dans ses mains.

Parachevant l'adhésion à l'euro des trois anciennes républiques soviétiques baltes - l'Estonie l'avait adoptée en 2011 et la Lettonie en 2014 -, la Lituanie y voit «un symbole d'une plus grande intégration économique et politique avec l'Occident», a dit la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite.

L'événement coïncide avec l'affirmation du rôle des jeunes membres de l'UE: l'ancien Premier ministre polonais Donald Tusk préside depuis quelques semaines le Conseil européen, tandis que la Lettonie a pris le 1er janvier la présidence semestrielle de l'UE.

Raisons de sécurité

Les pays baltes, sortis d'un demi-siècle d'occupation soviétique au début des années 90, ont rejoint l'UE et l'OTAN en 2004.

Aujourd'hui, ils observent avec inquiétude la politique du Kremlin en Ukraine et l'activité intensifiée des forces armées russes à proximité de leurs frontières.

Le ministre lituanien des Finances, Rimantas Sadzius, a estimé récemment dans une déclaration à l'AFP que «des raisons de sécurité sont parmi les causes du soutien populaire à l'euro».

Le pays balte rejoint la zone euro quelques jours après l'annonce d'élections législatives anticipées en Grèce qui font craindre un nouveau départ de la crise de la dette.

Vilnius s'est engagé à verser des centaines de millions d'euros au fonds de secours européen destiné à aider les pays du sud endettés.

«Ces engagements sont une grande charge et augmentent notre endettement. Nous aurions dû repousser notre adhésion», estime l'analyste financier Valdemaras Katkus.

Le gouvernement insiste sur l'expérience positive de l'Estonie et de la Lettonie.

La Lituanie jouit d'un «bilan solide des politiques budgétaires saines et des réformes structurelles qui ont débouché sur un des taux de croissance les plus élevés en Europe, conjugué avec une baisse constante du chômage», a souligné dans un communiqué le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.

À Bruxelles, une banderole a été accrochée sur le bâtiment de la Commission européenne, avec l'image d'une pièce d'un euro ornée de l'emblème national lituanien, un cavalier muni d'une épée et d'un bouclier. «Bienvenue à la Lituanie dans la zone euro», déclare la banderole en anglais, lituanien, français et flamand.