Poursuivre les États trop accommodants avec des multinationales soucieuses de réduire leur facture fiscale. En cas de victoire, faire rembourser aux entreprises les économies d'impôt en question. Implanter des lois encore plus sévères contre ces stratégies fiscales. Pour régler le problème des stratégies fiscales agressives des multinationales, l'Europe tente plusieurs solutions simultanées.

Des poursuites

Depuis juin, la Commission européenne a entamé quatre enquêtes pour déterminer si des tax rulings favorisant des multinationales (Amazon, Fiat et Starbucks) étaient légales en vertu du droit européen de la concurrence. Le trio de pays au banc des accusés fiscaux: les Pays-Bas, l'Irlande et le Luxembourg, éclaboussé à nouveau mardi par des révélations incluant des dizaines de multinationales, dont Bombardier.

«Il y a des États qui ont facilité l'exploitation des différences fiscales entre les États. [...] Le Luxembourg n'a pas encore été condamné, l'affaire est toujours devant les tribunaux européens. Le Luxembourg est accusé de ne pas avoir vérifié toutes les structures des entreprises pour s'assurer de respecter les règles de concurrence en matière fiscale de l'Union européenne. Et si une autre bénéficie illégalement d'une «aide de l'État» en contravention des règles européennes de concurrence, elle doit rembourser cette «aide de l'État» », dit Pasquale Pistone, président académique du Bureau international de documentation fiscale (IBFD) et professeur en droit fiscal à l'Université économique de Vienne, en Autriche.

Des règles communes pour l'Europe...

Actuellement, l'Union européenne peut montrer des dents en raison de son droit à la concurrence. Mais la France, l'Allemagne et l'Italie estiment qu'il faut harmoniser les lois fiscales pour empêcher les planifications fiscales agressives par le biais d'une directive européenne. «Le problème, c'est que les multinationales tirent avantage des différences entre les régimes fiscaux», dit le professeur Pistone.

... et à l'international

Dans le cadre du G20 et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), plusieurs pays européens poussent pour l'adoption des règles BEPS (Base Erosion and Profit Shifting). «Un problème global exige une solution globale, dit le professeur Pistone. Il y a une convergence globale: l'Europe et les États-Unis sont en train de faire des stratagèmes communs, mais il y a un problème structurel aux États-Unis, car [Barack] Obama n'a pas la majorité au Congrès pour voter de nouvelles lois en ce sens. Le projet BEPS doit être complété en 2015 et devrait être imposé aux 34 pays de l'OCDE. Les États ont accepté de changer leurs lois pour réaliser les objectifs de BEPS.»

Un président gênant

La Commission européenne est l'un des organes les plus importants en Europe pour la lutte contre les planifications fiscales agressives. Or, son président Jean-Claude Juncker, qui vient d'être nommé pour cinq ans, a été... premier ministre du Luxembourg de 1995 à 2013. Donc au coeur des principales controverses fiscales en Europe. Un ancien cadre d'Amazon disait cette semaine que M. Juncker a courtisé activement la multinationale, aujourd'hui critiquée pour ses arrangements fiscaux, pour qu'elle s'établisse au Luxembourg. «D'avoir l'ex-premier ministre et ex-ministre des Finances du Luxembourg qui dirige la Commission européenne, ce n'est pas réconfortant pour la suite des choses, notamment la position de l'Union européenne pour les sanctions des pays qui ne veulent pas adhérer aux recommandations du BEPS», dit André Lareau, professeur de droit fiscal à l'Université Laval.