L'agence de notation financière Fitch a placé mardi sous surveillance négative la note de la dette à long terme du Japon, menaçant de l'abaisser comme l'a déjà fait son homologue Moody's il y a une semaine.

L'archipel bénéficie actuellement de l'appréciation A+, soit la cinquième meilleure sur 22 échelons, mais celle-ci pourrait être dégradée dans la première partie de 2015 «à la lumière du plan budgétaire du prochain gouvernement et de ses projections économiques», a expliqué l'agence dans un communiqué.

Cette possible sanction à venir de Fitch est une claire mise en garde adressée aux autorités japonaises, et particulièrement au premier ministre de droite, à quelques jours d'élections législatives anticipées.

Shinzo Abe a décidé de convoquer les citoyens aux urnes deux ans avant l'échéance pour les «interroger sur la poursuite de sa politique économique abenomics», précisément après avoir décidé d'ajourner une seconde augmentation de «TVA» nippone, alors que la première, début avril, a fait replonger le pays en récession.

«À moins que des mesures fiscales à peu près équivalentes et permanentes ne soient annoncées dans le budget à venir, la décision du gouvernement japonais de différer à avril 2017 une hausse de la taxe sur la consommation, à l'origine prévue pour octobre 2015, constitue un facteur négatif» pour la note, a justifié l'agence.

À elle seule, cette mesure «n'aurait pas suffi» à assainir les finances, mais son report signifie, selon Fitch, qu'il sera «pratiquement impossible d'atteindre l'objectif énoncé de réduire le déficit budgétaire primaire dans la proportion prévue» (3,3% du produit intérieur brut) pour l'exercice d'avril 2015 à mars 2016.

À plus long terme, il paraît dans ces conditions difficile «d'éliminer» ce déficit et de «stabiliser la dette publique par rapport au PIB en 2020/2021, sauf si un futur gouvernement était prêt à imposer sur la période 2015 à 2021 un resserrement budgétaire plus strict que précédemment envisagé», prévient l'agence.

«Direction opposée»

Et de rappeler que «le facteur clé de la note souveraine est le ratio élevé et croissant de la dette publique du Japon», sans égal parmi les économies avancées.

Fitch estime que la dette brute des administrations publiques nippones atteindra 241% du PIB à fin 2014, contre 184% à fin 2008.

L'agence considère dès lors que «le retard dans l'entrée en vigueur d'une deuxième hausse de taxe sur la consommation renforce les doutes sur l'engagement des autorités à atteindre leur objectif de consolidation budgétaire».

En repoussant un nouveau relèvement de la TVA «à une date cette fois définitive», M. Abe avait pris soin de manifester son attachement à la discipline financière, mais il n'a visiblement pas convaincu Fitch qui pointe «le manque de plan clair et crédible».

Pire, la majorité sortante, «qui a de fortes chances d'être reconduite pour un mandat de quatre ans, prend la direction opposée en promettant de réduire la taxe sur les sociétés au-dessous de 30%».

Plus largement, l'agence émet des réserves sur l'efficacité des Abenomics, un cocktail de largesses budgétaires, souplesse monétaire et promesse de réformes structurelles, qui peinent pour l'heure à remettre l'archipel sur la voie d'une croissance durable, dans un contexte de «main-d'oeuvre déclinante».

Si le premier ministre ne cesse de vanter les mérites de sa politique de relance, les mauvaises nouvelles s'accumulent sur le front économique.

Il y a tout juste une semaine, Moody's dégradait d'un cran la note souveraine nippone, de «Aa3» à «A1». Quant à Standard & Poor's (S&P), elle avait maintenu fin septembre son évaluation à «AA-», tout en laissant planer la menace d'un futur abaissement.

Selon des statistiques publiées lundi, l'économie japonaise s'est par ailleurs contractée plus fortement qu'annoncé initialement entre juillet et septembre (-0,5%), comparé au trimestre précédent.

En dépit de ce contexte difficile et des critiques grandissantes au sein des petites entreprises et de la population, le Parti Libéral-Démocrate (PLD) de Shinzo Abe devrait remporter haut la main le scrutin de dimanche, face à une opposition moribonde.

Selon les sondages, il pourrait s'arroger à lui seul plus de 300 des 475 sièges de la chambre basse, ce qui lui offrirait quatre ans supplémentaires au pouvoir.