Des nations de partout dans le monde surveillent de près la façon dont le Canada et l'Union européenne (UE) surmonteront les obstacles de leur ambitieuse entente de libre-échange, affirme le directeur l'Organisation mondiale du commerce, Roberto Azevedo.

Dans une entrevue à La Presse Canadienne, M. Azevedo a mis en perspective les inquiétudes selon lesquelles des pays de l'UE tenteraient encore de faire rater l'entente. Il a admis que les obstacles dans l'accord Canada-UE sont prévisibles. Il croit en outre qu'ils pourraient servir à d'autres nations dans leurs négociations pour les échanges commerciaux.

«Le monde regarde, a-t-il dit. Les obstacles pourraient aider d'autres négociations et négociateurs à trouver des moyens similaires d'avancer.»

Le mois dernier à Ottawa, le premier ministre Stephen Harper et les chefs de l'Union européenne ont annoncé que les cinq années de dures négociations avaient porté fruit. Ils ont affirmé que les 28 pays de l'UE appuyaient l'accord, bien que quelques-uns en soient plus ou moins satisfaits. Certains diplomates européens se sont dits inquiets, notamment que la Roumanie et la Bulgarie n'empêchent la ratification de l'accord si le Canada continue d'exiger un visa pour les voyageurs en provenance des deux pays.

À cela s'ajoute la réticence de l'Allemagne concernant les clauses qui pourraient permettre à une entreprise de poursuivre un État pour des torts à leurs activités émanant de l'accord.

M. Azevedo a indiqué que les pépins étaient chose commune dans les négociations commerciales, particulièrement lorsqu'elles impliquent autant de pays.

«Les pays européens ont tous des visions différentes sur ces choses, donc c'est fréquent que l'Union européenne ait du mal à négocier avec ses membres, avant même qu'elle ne s'assoie avec d'autres pays», a-t-il expliqué, avant d'ajouter que l'accord de libre-échange Canada-UE était avant-gardiste, par rapport aux précédents.

«Je pense que tout le monde va attendre les résultats pour s'ils peuvent inspirer d'autres négociations bilatérales ou multilatérales à Genève.»

L'accord Canada-UE a été conclu à l'extérieur de l'Organisation mondiale du commerce. Il repose sur une entente multilatérale d'une durée de 20 ans entre 159 États membres.

Une consultante en commerce international croit que la raison pour laquelle le monde surveille le Canada et l'UE est liée à un accord éventuel encore plus important: celui entre les États-Unis et l'Union européenne.

C'est la première partie du spectacle principal, a imagé Laura Dawson, la présidente de Dawson Strategic.

Bien que le Canada soit un plus petit joueur économique que les États-Unis, ses négociations sont perçues comme une «ronde d'entraînement» pour l'UE, qui cherchera un terrain d'entente avec les Américains.

Le Canada, ajoute-t-elle, fournit aux Européens un modèle des pratiques commerciales nord-américaines, spécialement dans les domaines comme la propriété intellectuelle, les organismes génétiquement modifiés et le règlement des litiges entre investisseurs et États.

Selon Laura Dawson, l'accord États-Unis-UE a même remplacé l'Organisation mondiale du commerce comme l'entente de libre-échange à surveiller. «C'est le combat des titans», a-t-elle dit.

«Alors nous allons tous regarder comment cela se joue. Et la façon dont ça se joue façonnera vraiment comment nous allons faire du commerce à l'avenir.»