Toute la semaine, Francis Vailles s'est penché sur la Finlande, une nation dont les parallèles avec le Québec sont frappants.

Je suis au pôle Nord, en Finlande. Et devinez ce qu'il y a au pôle Nord? Le père Noël, bien sûr. Attention, pas le charlatan du Carrefour Laval, le vrai père Noël, celui qui fabrique les jouets et tout.

En fait, je ne suis pas exactement sur la pointe de la planète, si l'on peut dire, mais dans le cercle polaire, c'est-à-dire au nord du 66e parallèle nord. Dans ce cercle, le soleil ne se couche pas pendant un jour l'été et ne se lève pas pendant un jour l'hiver. La nuit dernière, il faisait 5 sous zéro et la première neige préparait sa grande entrée.

Le père Noël est né il y a très très longtemps dans la montagne de Korvatunturi, en Laponie, région nordique finlandaise. C'est ce que racontent les Finlandais et je n'ai pas de raisons d'en douter, puisque j'ai eu la confirmation du père Noël en personne, à Rovaniemi, où il accueille les visiteurs.

Il est vieux, le père Noël, tellement qu'il ne se rappelle plus de son âge. Il m'assure cependant que ses jouets sont toujours fabriqués dans la montagne et qu'ils seront livrés à temps, dans la nuit du 24 au 25 décembre.

Je suis au pôle Nord, donc. Et devinez ce qu'il y a au pôle Nord, en plus du père Noël? Une usine de motoneiges. Oui, oui, les vraies motoneiges, celles mises au monde par le Québécois Joseph-Armand Bombardier en 1937 et entrées en production industrielle en 1959.

En Finlande, l'entreprise Velsa-Nordtrac a décidé de fabriquer, elle aussi, les petits bolides à partir de 1967. Cependant, Nordtrac a été rachetée en 1988 par l'entreprise Bombardier, de Montréal.

Bombardier a donc été propriétaire de l'usine de motoneiges finlandaises pendant quelques années, avant de revendre Nordtrac à la famille Bombardier-Beaudoin et à ses partenaires. Cette firme d'origine familiale s'appelle aujourd'hui BRP et n'a plus de liens avec l'entreprise Bombardier qui produit des avions et des trains.

Bref, la firme BRP, de Valcourt, au Québec, a une usine ultramoderne de motoneiges à Rovaniemi, au pôle Nord. Et je m'y suis rendu, bien sûr.

Sur place, il est frappant de découvrir une usine aussi moderne, grande comme un terrain de football, dans un coin aussi reculé. Les châssis des motoneiges sont entièrement fabriqués par des robots, ce qui élimine totalement les erreurs, puis transférés sur une chaîne de montage. Des employés s'assurent ensuite, par petites équipes, d'installer sur chaque châssis la suspension, le réservoir à essence, le moteur, le banc, etc.

Les pièces arrivent tous les jours par camion. Ces camions s'approvisionnent notamment du port d'Oulu, sur la mer Baltique, à 220 km au sud de Rovaniemi. Le port accueille des bateaux même en hiver, puisque des brise-glace finlandais maintiennent la navigation praticable à l'année. L'essentiel des motoneiges de Rovaniemi est exporté (90 %), la plupart par ce même port, vers la Suède et la Norvège, mais aussi au Canada et aux États-Unis.

Les produits de Rovaniemi, de marques Lynx et Ski-doo, sont vendus en Amérique parce qu'ils sont différents de ceux de Valcourt. Ils visent une clientèle d'affaires, comme des entreprises forestières, agricoles ou minières, tandis que Valcourt se concentre sur le marché récréatif.

L'usine de Rovaniemi compte 420 employés, contre un total de 7000 pour BRP. Ces 420 employés travaillent sur deux quarts de travail. Le premier quart, de jour, assemble des motoneiges, tandis que le second, de soir, planche sur des véhicules tout terrain, encore une fois destinés à une clientèle d'affaires (certains ont même six roues et peuvent traîner 300 kg de charge).

«En Finlande, nous avons une culture d'ouverture au travail. Nous ne nous soucions pas beaucoup des titres que portent les gens. Le directeur général, Juka Jokinen, connaît les employés par leur prénom et se rend souvent sur le plancher de production. Les employés ont un haut degré d'engagement envers l'entreprise», dit Taina De Rycke, responsable des ressources humaines de l'usine.

La filiale finlandaise a dû faire face à l'adversité ces dernières années. La nouvelle usine, d'une capacité de 20 000 unités par année, a ouvert en octobre 2008, au moment même où éclatait la crise financière mondiale. L'entreprise a fait des mises à pied en 2009, mais les choses se sont replacées depuis.

Plus récemment, la crise ukrainienne a frappé le marché russe, l'un des clients importants de BRP. Les motoneiges et VTT de BRP ne font pas partie des sanctions, néanmoins. Par contre, la crise a eu un impact sur la demande.

Fait à préciser, les employés mis à pied par BRP, comme en Finlande en général, ont droit à des prestations équivalant à environ 60 % de leur salaire pendant 500 jours. Ces prestations sont financées par une assurance-emploi semblable à celle au Canada, mais également par un fonds géré par le syndicat, qui prélève des cotisations aux travailleurs à cette fin.

Autre information intéressante: en Finlande, les employés à temps plein, même ceux à l'usine, ont droit à cinq semaines de vacances après un an de service. À croire que le père Noël y est pour quelque chose...