Sa fringale en minéraux a rempli les caisses de l'Australie pendant des années, mais l'ogre chinois est rassasié et les relais de croissance qui mettraient le pays à l'abri d'un décrochage se font attendre, s'alarment les économistes.

Le ralentissement de l'économie chinoise et le repli corrélé du cours des matières premières a sonné le glas de l'âge d'or minier qui avait immunisé l'Australie contre la crise financière de 2008, vivifié le marché de l'emploi et gonflé le budget de l'État.

Faute d'alternative, l'Australie, de tradition agricole et qui ne possède qu'un tissu limité d'entreprises manufacturières, ne peut compter que sur la consommation publique et privée.

Or sans investissements nouveaux, la consommation patine et les investisseurs, eux, restent prudents en constatant que la demande ne décolle pas... Le total des dividendes versés aux actionnaires au titre de l'exercice décalé 2013/2014 a atteint un record de 63,3 milliards de dollars américains, autant de liquidités qui ne sont pas directement réinvesties dans l'entreprise.

L'économiste Quentin Grafton, spécialiste du marché des matières premières, prédit «une passe difficile» pour l'Australie.

«Je suis très inquiet pour 2015: la croissance des investissements (miniers) connaît un ralentissement substantiel, la valeur des actifs est au plus haut (pour des revenus moindres) et le dollar (australien) est cher», remarque-t-il.

«Il ne s'agit pas de lire l'avenir dans une boule de cristal. Il suffit de considérer les risques et les chiffres: il y a un réel danger», prévient-il.

Selon lui, la Reserve Bank of Australia, la banque centrale, «est prise entre le marteau et l'enclume», soucieuse à la fois de maîtriser l'inflation (les prix de l'immobilier flambent à Sydney) et de stimuler l'activité.

Le patron de la RBA Glenn Stevens a confirmé cette semaine la tâche ardue qui est la sienne en maintenant pour le douzième mois consécutif le principal taux directeur de l'institut d'émission au niveau historiquement bas de 2,5%.

Les entreprises ne voient pas venir la demande

Les «intentions d'investissement dans certains secteurs (non miniers) s'améliorent, mais les dépenses dans ces secteurs ne devraient enregistrer qu'une modeste croissance à court terme tandis que la dépense publique est faible», a-t-il fait valoir.

Le gouverneur a récemment lancé un appel aux entreprises à sortir de leurs coffres-forts les milliards de dollars thésaurisés depuis la crise financière et à les injecter dans l'économie locale.

«Beaucoup d'entreprises ont actuellement les moyens de jouer un rôle dans la dynamique de croissance (...). Les analystes, les actionnaires, les gestionnaires de fonds et d'autres commentateurs vont finir par vous demander non pas si vous avez un plan de réduction des coûts (...) mais si vous avez un projet de croissance», a-t-il tonné.

Les entreprises n'investissent pas «tout simplement parce qu'elles ne voient pas venir la demande», avance David Cassidy, analyste chez USB, en citant également la robustesse du dollar australien qui pénalise les entreprises à l'export.

Le dollar australien s'est enchéri de 30% face au dollar US ces dix dernières années, et de 4,2% depuis le 1er janvier.

La dépense publique est en outre comprimée par le budget d'austérité voté par le gouvernement conservateur issu des législatives de septembre 2013 aux fins de réduire le déficit.

Pour le moment, la croissance reste sur des taux tendanciels de plus de 3%. L'expansion du Produit intérieur brut (PIB) s'est établie à 3,1% au deuxième trimestre, à comparer avec 3,5% au trimestre correspondant de 2013.

Le chômage est ressorti à 6,4% en juillet, un taux jamais atteint depuis août 2002, mais les économistes s'accordent pour dire que le niveau «naturel» du chômage en Australie est très inférieur et qu'il s'agit d'un accident de conjoncture.

Au rythme actuel de croissance, certains prédisent même une pénurie de main-d'oeuvre à moyen terme. Selon le Boston Consulting Group, l'Australie pourrait ainsi perdre 2,3 millions d'actifs d'ici 2030.