L'Argentine s'est retrouvée jeudi à nouveau en défaut de paiement sur sa dette, faute d'accord entre les fonds spéculatifs américains et les autorités de Buenos Aires.

L'agence de notation Standard & Poor's a abaissé la note de l'Argentine d'un cran à «défaut sélectif» juste avant que le ministre argentin de l'Économie Axel Kicillof n'annonce à la presse depuis New York que les deux parties s'étaient séparées sans accord.

Ce scénario a poussé mécaniquement l'Argentine au défaut de paiement sur un montant minime pour un État, 539 millions de dollars. La troisième économie d'Amérique latine ne pouvait pas payer cette somme avant minuit jeudi.

C'est la deuxième fois en 13 ans que l'Argentine se retrouve en défaut de paiement.

Selon les analystes, une des premières conséquences du défaut de paiement est d'éloigner durablement l'Argentine de l'accès aux marchés internationaux des capitaux, dont elle est exclue depuis sa faillite en 2001 et sur lesquels elle tentait de revenir.

Selon S&P, le «défaut sélectif» signifie que «l'emprunteur n'a pas honoré une certaine partie de ses obligations ou une émission spécifique mais qu'il continue de payer ses autres types d'emprunts dans les temps».

Tout n'est pas perdu

Tout n'est toutefois pas perdu pour le pays latino-américain qui pourrait encore trouver un accord avec ses créditeurs les plus déterminés.

«S'il y a un accord rapide, l'impact sur l'économie argentine sera relativement limité», estime la banque française Natixis dans une note.

«Mais le coût d'un défaut prolongé sera substantiel», ajoute-t-elle.

«Même si les données économiques fondamentales sont meilleures qu'en 2001, le pays souffrira de la hausse du coût de ses emprunts, les banques réduiront probablement leurs lignes de crédit à l'Argentine. Un défaut l'isolera des marchés financiers en dépit des récents efforts du gouvernement. Le prix des actifs souffrira», estime Natixis.

La banque évoque également un possible rétablissement des contrôles de capitaux et des conséquences pour la production automobile chez le voisin brésilien et les banques espagnoles comme Santander et BBVA.

A l'issue de la réunion infructueuse à New York, M. Kicillof a assuré que les fonds spéculatifs «ont essayé de nous imposer quelque chose d'illégal (...). L'Argentine est prête à dialoguer, à trouver un consensus. Nous allons chercher une solution juste, équilibrée et légale pour 100% de nos créanciers».

L'Argentine avait obtenu un délai de 30 jours qui expirait mercredi pour régler 539 millions de dollars à des créanciers ayant consenti un rabais de 70% sur la valeur de leur dette après le défaut de 2001.

Mais le juge américain Thomas Griesa a bloqué ce paiement en ordonnant à l'État argentin de payer d'abord 1,3 milliard de dollars à NML et Aurelius, deux fonds «vautours» spécialisés dans le rachat de dette à risque et détenteurs de moins de 1% de la dette concernée.

«L'argent est là»

Buenos Aires «va rembourser» les porteurs d'obligations issues de la dette restructurée mais «à des conditions raisonnables, sans tentative d'extorsion, sans pression, sans menace», a affirmé M. Kicillof, niant que son pays soit en situation de défaut de paiement.

«L'argent est là, bien évidemment si nous étions en défaut, il ne serait pas là», a-t-il expliqué avant de rentrer à Buenos Aires.

Il a attribué la responsabilité de cette situation «inédite» au juge Griesa.

«L'Argentine a payé, elle a de l'argent, elle va continuer à payer. C'est le juge Griesa le responsable», a-t-il martelé en référence à l'argent bloqué par le magistrat.

Pour la première fois, les négociateurs argentins avaient rencontré mercredi directement les représentants de NML et Aurelius autour d'un médiateur à New York pour sortir de l'impasse -- sans résultat.

Le juge Griesa n'a pas accédé aux demandes du gouvernement argentin, refusant le sursis à exécution du jugement qui lui aurait permis de payer sans s'exposer à une avalanche de poursuites des autres créanciers.

La directrice générale du FMI Christine Lagarde a pour sa part minimisé l'impact d'un défaut. «Même si un défaut est toujours regrettable, nous ne pensons pas qu'il aura des conséquences majeures en dehors» du pays, a-t-elle estimé.

Une alternative évoquée par la presse argentine durant les dernières heures des négociations pour sortir de la crise serait l'intervention de banques privées argentines. Par le biais d'un montage complexe, elles verseraient l'argent dû par le gouvernement aux deux fonds en rachetant leurs créances puis elles s'arrangeraient avec celui-ci pour se faire rembourser.

Cette solution permettrait de contenter NML et Aurelius, et éviterait que les autres créanciers ne reviennent à la charge pour demander l'intégralité de leur dû.