Les Suisses ont clairement refusé dimanche un salaire minimum unique de 3300 euros (environ 4900 $), qui aurait été le plus élevé du monde, et ont rejeté, plus timidement, l'achat de 22 avions de combat suédois Gripen.

Par le score de 76,3 % des voix, le peuple a balayé l'introduction d'un salaire minimum de 22 francs suisses de l'heure (près de 27 $), soit environ 4000 francs suisses bruts (près de 4875 $) pour 42 heures hebdomadaires (100 %), selon les résultats officiels. Tous les 26 cantons de la confédération se sont opposés au projet.

Ce salaire minimum aurait été le plus élevé au monde: il est de 9,43 euros en France, de 5,05 euros en Espagne et sera, en Allemagne, de 8,50 euros à partir de 2015.

Pour les syndicats et partis de gauche, le coût très élevé de la vie en Suisse justifiait ce salaire minimum de 4000 francs suisses (près de 4875 $).

S'il avait été accepté, il y aurait eu un risque de «suppression de places de travail» et «les personnes moins qualifiées auraient sans aucun doute rencontré plus de difficultés pour (trouver) un emploi», a commenté le ministre de l'Économie, Johann Schneider-Ammann, en conférence de presse. Paysans, petits artisans et organisations patronales se sont aussi félicités de l'issue du vote.

Chez les syndicats, qui s'attendaient à un résultat négatif, l'ambiance est loin d'être au désespoir.

«Le résultat est très clair, décevant, nous ne nous attendions pas à un résultat négatif de cette ampleur. Mais je ne parlerais pas de gifle, car on a certes perdu le vote, mais (...) on n'a jamais vu en Suisse autant d'entreprises augmenter les salaires à 4000 (près de 4875 $) que durant ces derniers mois», comme Aldi, Lidl, H&M, Bata & Co, a déclaré à l'AFP Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d'Unia à Genève.

«Chaque fois en Suisse qu'il y a des votations sur le marché du travail on les perd massivement. Les opposants brandissent la menace du chômage. En Suisse, cela parle aux gens, car il n'y a aucune protection contre le licenciement», contrairement à d'autres pays comme la France, a-t-il toutefois déploré.

Opposés à ce projet, la droite, les milieux agricoles, le Parlement et le gouvernement avaient en effet affirmé qu'un salaire minimum unique constituait un danger pour l'emploi, soulignant qu'il existe déjà en Suisse des salaires minimums dans certaines branches professionnelles.

Du coup, une grande partie de la population craignait qu'un tel salaire ne favorise une hausse du chômage, presque inexistant en Suisse (3,2% de la population active en avril).

Les Gripen remis au hangar

Après un long suspens, les citoyens helvétiques ont finalement aussi rejeté l'achat de 22 nouveaux avions de combat suédois Gripen fabriqués par Saab.

Contrairement à la question du salaire minimum, les Suisses se sont montrés divisés sur l'achat des Gripen.

Alors que les cantons romands et le Tessin (canton italophone) ont refusé l'achat des 22 avions suédois, la majorité des cantons alémaniques -- traditionnellement plus conservateurs -- ont soutenu le projet du gouvernement. Mais cela n'aura pas suffit.

Le gouvernement suisse et le Parlement voulaient acheter les Gripen, estimant qu'une partie des avions de combat dont disposent les forces armées suisses sont «obsolètes».

Afin de financer cette acquisition, le Parlement a créé un fonds alimenté dans le cadre des dépenses ordinaires liées à l'armement pour répartir sur une période de 11 ans le coût de 2,56 milliards d'euros nécessaires à cet achat.

Opposés au projet, la gauche et les Verts avaient affirmé que la facture serait bien plus lourde et que la Suisse est entourée de pays amis. L'avion, dont la variante E commandée n'existe que sur le papier, n'est pas assez performant, avaient estimé ses détracteurs, soulignant qu'il sera toujours temps plus tard de reconsidérer une autre commande.

Reste à savoir ce que le gouvernement va désormais faire. Car comme l'avait martelé à plusieurs reprises le ministre de la Défense, Ueli Maurer: «il n'y a pas de plan B».

Les Forces aériennes suisses disposent actuellement de 86 avions de combat - 32 F/A-18, qui seront engagés jusqu'en 2030 au moins, et 54 F-5 Tiger qui, selon le gouvernement, «n'ont pas de radar performant, ne peuvent pas utiliser tous les types d'engins guidés et peuvent seulement être engagés de jour et par bonne visibilité».

Chez Saab, l'heure est à la déception. Car les sondages avaient annoncé un résultat très serré.

«Quand vous faites du business en Suisse, (...) vous devez respecter leur façon de prendre des décisions, et je pense que la direction de la société l'avait pris en compte», a déclaré le porte-parole de Saab, Peter Larsson, cité par l'agence suédoise TT.