La croissance du Japon s'est accélérée à 1,5% entre janvier et mars, dopée par de robustes dépenses des ménages et investissements des sociétés avant une hausse de la taxe sur la consommation, mais un retour de bâton est prévu ce printemps.

Elle n'avait pas atteint un tel niveau depuis le trimestre de juillet à septembre 2011, lorsque l'économie s'était rétablie du choc provoqué par le séisme, le tsunami et l'accident nucléaire de Fukushima du mois de mars précédent.

En rythme annualisé, la croissance a atteint 5,9%, a précisé le gouvernement en publiant jeudi ces statistiques.

Il s'agit cette fois du sixième trimestre consécutif de croissance pour la troisième puissance économique mondiale, que le premier ministre de droite Shinzo Abe et la Banque du Japon tentent de relancer via des dépenses budgétaires et un assouplissement monétaire.

Surnommée «Abenomics», cette nouvelle politique qui vise à mettre fin à une quinzaine d'années de déflation avait commencé sous de bons auspices au début de l'année dernière, car la croissance était vigoureuse. Mais l'activité a ralenti pendant l'été et l'automne, et le produit intérieur brut (PIB) n'a finalement progressé que de 1,6% en 2013 (donnée révisée).

Entre les mois de janvier et mars derniers toutefois, la croissance a fortement rebondi, tirée par les dépenses des ménages (+2,1%) qui se sont empressés d'acheter toutes sortes de biens durables (voitures, appareils électroniques et électroménagers) et consommables (articles alimentaires, de toilettes et d'entretien).

Les Japonais ont beaucoup dépensé tant que la taxe sur la consommation (équivalente à la TVA française) n'était que de 5%. Le 1er avril, elle est passée comme prévu à 8%, une décision du gouvernement pour soulager le système de protection sociale et contenir l'envolée de la dette publique.

Tournant pour les Abenomics

Encouragées par cette frénésie acheteuse, les entreprises ont nettement augmenté leurs investissements (+4,9%), tandis que les dépenses pour l'immobilier grimpaient elles aussi.

Les importations ont pour leur part progressé plus vite que les exportations, car la forte demande intérieure a dopé les commandes en provenance de l'étranger, mais la croissance n'en a pas été affectée de façon dramatique.

Les pouvoirs publics ont de leur côté diminué leurs investissements, en raison de l'épuisement des budgets exceptionnels de relance - équivalents à 75 milliards d'euros - votés au début 2013 peu après l'arrivée au pouvoir de M. Abe. Le premier ministre a toutefois fait adopter depuis un nouveau train de mesures - 40 milliards d'euros - pour redynamiser l'économie à partir de ce printemps.

Le gouvernement a ordonné à l'administration de dépenser 90% de cette enveloppe d'ici à fin septembre, de façon à absorber au plus vite le choc de la hausse de taxe.

«Après une telle croissance 'artificielle' au premier trimestre, le retour de bâton risque d'être violent», s'est inquiété auprès de l'AFP Takeshi Minami, économiste à l'Institut de recherche Norinchukin.

La confiance des consommateurs a d'ailleurs encore reculé de 0,5 point en avril par rapport à son niveau de mars, d'après une enquête distincte du gouvernement publiée jeudi. Elle a diminué à 37 points, alors qu'un résultat inférieur à 50 indique que les particuliers redoutant une dégradation de l'environnement économique sont plus nombreux que ceux qui entrevoient une amélioration.

Une baisse du PIB semble inévitable au deuxième trimestre, mais l'important pour l'économie sera d'être capable de bien repartir en fin d'année. «Les Abenomics connaîtront alors un tournant», a prévenu M. Minami.

Encensée au début, cette politique commence à susciter des réserves des organisations internationales (FMI, OCDE), qui appellent M. Abe à vite concrétiser les promesses de réformes qui ont accompagné la relance de la planche à billet. Ces organismes s'inquiètent aussi de l'ampleur de la dette du pays (équivalente à environ 250% de son PIB).

En juin, le premier ministre pourrait annoncer une baisse de l'impôt sur les sociétés et des mesures pour encourager le travail des femmes. Mais en attendant que des changements structurels dopent la croissance, la Banque du Japon pourrait donner un peu d'air aux Abenomics en assouplissant encore davantage sa politique monétaire, un geste attendu par de nombreux analystes pour cette année.