260 millions de dollars! C'est le montant que vient de débourser un milliardaire d'Europe de l'Est pour un appartement «pas fini» à Londres. La folie de l'immobilier de luxe est de retour et touche plusieurs villes dans le monde.

L'immobilier de luxe ne s'est jamais aussi bien porté sur la planète.

Selon une nouvelle étude du réseau Christie's International, plusieurs villes font littéralement perdre la tête aux acheteurs fortunés.

C'est le cas de San Francisco où le nombre de transactions de résidences de prestige (plus de 1 million US) s'est envolé de 62% l'an passé, pendant que les prix dans ce segment de marché grimpaient de 17%.

Los Angeles vient au deuxième rang mondial dans cette course à l'immobilier de luxe, avec une croissance des ventes de 40%. Suivent la métropole australienne Sydney (+ 29%), New York (+ 22%) et la ville la plus chère du monde, Londres (+ 20%), où un espace de brique et de mortier au coeur de la ville vous coûtera 5300$ le pied carré en moyenne.

Un record à Londres

Certains sont prêts à payer encore plus. Fin avril, un vaste appartement de 16 000 pieds carrés a été vendu à Londres pour 140 millions de livres, soit près de 260 millions de dollars. Plus de 16 000$ le pied carré! Un record pour ce type de logement.

Selon le quotidien The Standard, l'acquéreur serait originaire d'Europe de l'Est, soit d'Ukraine ou de Russie, disent certains. L'appartement est situé dans une résidence appelée «One Hyde Park», près du célèbre parc de l'ouest de la ville.

Signe de la frénésie actuelle, ce penthouse a été vendu «sur le béton», l'aménagement intérieur restant toujours à faire. Si bien que le promoteur immobilier du complexe, CPC Group, croit que cet «appart» vaudra 325 millions... une fois les travaux complétés.

À vrai dire, l'emballement pour l'immobilier de luxe touche plusieurs villes, souligne Christie's. Les prix ont progressé de 22% à Los Angeles l'an dernier, 13% à Sydney, 12% à Miami, 9,7% à Hongkong et 8,2% à Londres.

La Banque d'Angleterre va intervenir

Pendant que les prix sont pris de folie à Londres, les «locaux» de la classe moyenne, eux, déplorent l'invasion de ces milliardaires venus de loin qui gonflent les prix des maisons. Avec raison: en 2013, les étrangers ont raflé la moitié des ventes d'immeubles dans la capitale, affirme la Nationwide Building Society.

Selon des médias européens, le «gazumping» - pratique légale permettant au vendeur de revenir sur son accord verbal avec un acheteur, advenant une meilleure offre - bat son plein cette année. Et la plupart des transactions se font au-delà du prix affiché.

Or, la vague s'étend à l'ensemble du Royaume-Uni. Les prix ont crû de 11% (sur un an) en avril, dit Nationwide, la plus forte hausse depuis 2007. Ils sont à 20% du pic atteint avant la crise financière 2008.

Avec des taux d'intérêt à des creux historiques (à 0,5%), obtenir un financement est un jeu d'enfant, surtout avec les programmes d'accès à la propriété mis sur pied par le gouvernement.

Aussi, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s'inquiète d'une possible bulle immobilière, soulignant que l'offre de maisons à vendre au Royaume-Uni «n'augmente pas assez rapidement».

La Banque d'Angleterre, elle, en a assez vu et s'apprête à intervenir.

Des mesures pourraient être adoptées dès juin pour freiner la poussée des prix, a averti la semaine dernière Jon Cunliffe, gouverneur adjoint de la Banque et responsable de la stabilité financière du pays.

Les autorités ne veulent pas répéter les erreurs du passé, surtout que l'effondrement de l'immobilier en 2008 avait provoqué une flambée des mauvaises créances des banques. La Banque d'Angleterre pourrait donc décider de freiner les crédits hypothécaires après la récente restriction du programme de soutien «Funding for Lending».

«La hausse récente des prix et des transactions semble avoir nourri des anticipations croissantes d'une accélération du marché», s'alarme Jon Cunliffe. Autrement dit, on craint une explosion des prix.

À voir ce qu'on paie pour l'immobilier de luxe ces jours-ci, on pourrait servir le même avertissement ailleurs dans le monde.

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MOURIR ENDETTÉ

Le coût exorbitant de l'immobilier a parfois de tristes conséquences pour les propriétaires et leurs héritiers. Les Suédois, par exemple, sont pour la plupart condamnés à mourir endettés, prévient une étude de la banque centrale du pays. Prix élevés des maisons obligent, les Suédois ont contracté des emprunts (95% pour l'immobilier) qui représentent 3,7 fois leurs revenus annuels (contre 1,7 fois pour les Canadiens). Si bien qu'au rythme actuel de leurs remboursements, il leur faudra «100 ans environ» pour payer leurs dettes, calculent deux économistes de la Banque de Suède. Pas surprenant que le Fonds monétaire international ait maintes fois prévenu la Suède des risques d'une bulle immobilière.