Les usines aux États-Unis et en Europe augmentent la cadence, alors que celles de la Chine - l'atelier du monde - sont en perte de vitesse. Certains y voient le début d'une renaissance industrielle en Occident après un long déclin.

En décidant récemment d'implanter sa nouvelle usine (d'écrans pour iPhone) en Arizona plutôt qu'en Chine, le géant Apple confirmait une tendance décelée dès 2012: les États-Unis sont en train de se réindustrialiser.

Non seulement la production américaine a augmenté depuis 18 mois (+ 5,7% en rythme annualisé), mais encore la demande pour le «made in the USA» se raffermit encore ce printemps.

Jeudi, on apprenait que les commandes de biens durables aux États-Unis augmentent plus que prévu, ce qui est de bon augure pour les manufacturiers.

Washington a fait état d'une hausse de 2,6% des commandes le mois dernier, et même le secteur hors défense et aéronautique, un baromètre précurseur des investissements des entreprises, se redresse plus rapidement que prévu.

En Europe, la remise en marche de l'appareil industriel est plus lente, mais les indicateurs pointent aussi vers une reprise.

Globalement, l'activité industrielle a atteint en avril son plus haut niveau en trois ans, affirme le cabinet Markit, qui publie l'indicateur PMI. Des géants comme Renault et Danone doivent hausser leur production pour répondre à la demande.

Cela fait 10 mois consécutifs que le PMI dépasse les 50 points sur le Vieux Continent, seuil marquant une croissance. Et les commandes sont à un sommet depuis mai 2011, signe que la demande s'améliore.

La renaissance américaine et européenne se poursuit alors qu'en Chine, l'industrie est en perte de vitesse.

La semaine dernière, l'enquête HSBC/Markit révélait que l'activité manufacturière chinoise s'est contractée pour un quatrième mois consécutif en avril. L'enquête montre surtout un ralentissement des commandes, un présage inquiétant.

Une nouvelle jeunesse

Comment expliquer le regain de vie de l'industrie occidentale? Le groupe français Euler Hermès, premier assureur mondial du commerce transfrontalier, s'est penché sur l'industrie américaine. Ses constats, réunis dans une nouvelle étude, sont étonnants.

Au premier chef, les coûts du travail aux États-Unis figurent désormais «parmi les plus bas du monde industrialisé» en tenant compte de la productivité, note l'étude. Tous secteurs confondus, les coûts salariaux unitaires américains ont progressé de 2,3% depuis la récession de 2009 mais, à la surprise générale, ils ont baissé de 5% dans le manufacturier.

Résultat: l'écart avec la Chine industrielle diminue de façon spectaculaire. L'heure de travail coûtait 4$US en 2006 en Chine, contre 21$US aux États-Unis. Or, grâce à la productivité des Américains - 3,4 fois supérieure à celle des Chinois -, les salaires horaires passeraient respectivement à 18 et 25$US en 2015, soit un écart réduit à 7$US seulement.

Ajoutez un autre ingrédient majeur - les faibles coûts de l'énergie aux États-Unis avec le boom du gaz de schiste - et vous avez des usines américaines compétitives... et fort occupées ces temps-ci.

Le taux d'utilisation des capacités dans son ensemble est désormais de 77,2%, donc près de la moyenne historique de 78,7% (de 1972 à 2012), évalue la banque française Natixis. La remontée est donc incontestable par rapport au creux de 64% atteint en 2009.

Chine: grèves et salaires en hausse

Les Américains souffrent donc de moins en moins de la comparaison avec leurs rivaux chinois, dont les coûts demeurent ancrés à la hausse.

La Chine fait face à une augmentation de ses salaires remettant en cause le modèle de la sous-traitance qui a fait son succès. PricewaterhouseCoopers (PwC) avance que d'ici à 2030, la Chine sera un marché de consommation plutôt qu'une immense usine desservant le monde, comme c'est le cas aujourd'hui.

En cause: le salaire moyen des Chinois atteindrait 2060$US/mois à l'horizon 2030, contre 550$US aujourd'hui, selon PwC, ce qui rétrécit le fossé avec l'Occident. Bref, le «made in China» risque de coûter beaucoup plus cher.

La récente grève des 45 000 employés de la société Yue Yuen, fournisseur de chaussures Nike, Adidas et Asics, témoigne du climat actuel en Chine. Après avoir exigé de meilleures conditions de travail, la majorité des employés est finalement rentrée au travail, en fin de semaine, car Yue Yuen menaçait de transférer sa production à l'extérieur du pays.

Cependant, de fidèles partenaires de la Chine abandonnent le navire. Le taïwanais Foxconn, leader mondial de la sous-traitance électronique, vient d'annoncer qu'il déplacera une partie de sa production en Indonésie. La raison: une main-d'oeuvre moins coûteuse.

Le célèbre sous-traitant investira plus de 1 milliard US en Indonésie. Cela marque un tournant majeur. Car Foxconn emploie 1 million de personnes en Chine, notamment dans son usine de Shenzhen où est produit l'iPhone, d'Apple.