La chancelière allemande Angela Merkel est arrivée vendredi à Athènes en point d'orgue d'une semaine faste pour le gouvernement grec qui a réussi jeudi son retour sur les marchés après quatre ans de quarantaine financière et de mesures drastiques.

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées cependant pour clamer leur hostilité à cette visite.

Arrivée en début d'après-midi, la chancelière s'est d'abord adressée à de jeunes entrepreneurs grecs, auxquels elle a affirmé «croire fermement» à la possibilité pour la Grèce de sortir de la crise «après une phase très, très dure».

Elle a évoqué les «innombrables possibilités du pays», «qui n'ont pas toutes été perçues et sur lesquelles on peut construire, après un chemin difficile».

La chancelière devait aborder un peu plus tard la phase plus solennelle de ce bref déplacement, avec une conférence de presse en compagnie du premier ministre grec Antonis Samaras, prévue vers 15h00 GMT.

Cette visite intervient au lendemain de la première émission obligataire grecque depuis 2010: le placement, pour lequel l'offre a été huit fois supérieure à la demande, a permis de distribuer 3 milliards d'euros d'obligations à cinq ans à un bon taux de 4,95%.

Une réussite inespérée pour un pays encore classé comme valeur spéculative par les agences de notation.

Pour la fragile coalition du conservateur Antonis Samaras avec les socialistes, «cela pourrait suffire à survivre aux prochaines élections (nationales et européennes, en mai ndlr). Pour la chancelière et l'opinion publique sceptique des pays endettés, c'est une bonne opération de relation publique», constatait jeudi le quotidien allemand Münchner Merkur.

Le déplacement de Mme Merkel constitue «le deuxième vote de confiance» pour la Grèce après celui des marchés, analysait le quotidien grec Ethnos.

- «J'espère qu'on ne vous en voudra pas» -

Après avoir été tendues, les relations entre les deux pays se sont améliorées au niveau gouvernemental, avec un déplacement cordial de M. Samaras à Berlin en novembre.

Mais la chancelière reste très impopulaire en Grèce. Elle en a souri vendredi, lançant aux jeunes patrons : «J'espère que, quand vous rentrerez chez vous ce soir, on ne vous en voudra pas de m'avoir rencontrée». En octobre 2012, sa dernière visite avait été marquée par le défilé de dizaines de milliers de manifestants anti-austérité.

Ils étaient moins nombreux cette fois, quelques centaines, a constaté l'AFP, et maintenus sous ferme sécurité policière hors du centre-ville, d'autant plus qu'un attentat à la voiture piégée -- sans victime -- avait réveillé en sursaut le quartier de la banque de Grèce jeudi matin à quelques heures de l'émission obligataire.

Le rassemblement de vendredi était organisé notamment à l'appel de la gauche radicale du Syriza, principal parti d'opposition, au coude à coude dans les sondages avec le parti d'Antonis Samaras.

Le leader de Syriza Alexis Tsipras s'était étonné, jeudi soir à la télévision autrichienne ORF : «Comment vous sentiriez-vous, a-t-il notamment lancé, si juste avant les élections (européennes, mais aussi nationales en Grèce au mois de mai, ndlr) en Allemagne, ou en Autriche, le premier ministre britannique ou le président des États-Unis venaient appuyer un parti politique, l'adversaire de Mme Merkel ou même Mme Merkel?»

Dans le défilé, les banderoles étaient explicites : «Pourquoi Merkel nous a détruits?», «Vous n'êtes pas la bienvenue».

«Les Allemands nous ont tous pris», remarquait Thanassis, employé de la compagnie de téléphone grecque OTE possédée à 40% par Deutsche Telekom : «C'est pour des raisons politiques, parce que les élections approchent qu'elle est venue, mais les salariés ne vont pas se laisser berner».

«Merkel et Samaras se réjouissent que la Grèce soit à nouveau sur les marchés, mais le peuple souffre encore», remarquait Angelos, un étudiant membre de la jeunesse Syriza, s'interrogeant aussi, devant les mesures de sécurité : «Comment l'UE peut cautionner le fait qu'on interdise à un peuple d'exercer son droit d'expression?».

L'Allemagne reste pour de nombreux Grecs associée au cauchemar économique et social traversé par les Grecs, à cause des mesures très difficiles exigées par l'UE et le FMI en échange des 240 milliards d'euros de prêts accordés au pays depuis 2010 pour éviter sa ruine : chômage à 26,7%, le plus haut d'Europe, chute des revenus de la population d'un tiers entre 2007 et 2012, et près du quart des ménages menacés par la pauvreté.

Le pays espère sortir des plans d'aide en 2016 et renouer cette année avec la croissance malgré une dette qui atteignait 177% du PIB fin 2013.

Cette situation fragile pourrait nécessiter une restructuration de la dette ou un troisième plan, questions sur lesquelles l'Allemagne aura un avis prépondérant.