L'achat de devises par les Argentins est facilité, mais des restrictions demeurent: le gouvernement l'a plafonné à 20% des revenus déclarés et 2000 dollars par mois, dans un contexte de tension inflationniste et monétaire.

Vendredi, le gouvernement de centre-gauche avait annoncé la levée de mesures impopulaires instaurées en 2011 pour éviter la fuite de devises. Les modalités détaillées lundi par le chef du gouvernement, Jorge Capitanich, révèlent que l'État gardera un fort contrôle sur l'accès aux devises étrangères.

«Tous les salariés, travailleurs indépendants et professions libérales pourront acheter jusqu'à 2000 dollars par mois, en fonction de leurs revenus déclarés à l'AFIP (administration fiscale)», a déclaré M. Capitanich au cours d'une conférence de presse.

Le site internet de l'AFIP a par la suite précisé que l'épargne en dollars ne pouvait être supérieure à 20% des revenus.

Les Argentins devront remplir un formulaire sur le site internet du fisc. Si la demande correspond à leurs revenus déclarés et si elle est validée par l'administration fiscale, ils auront un délai de 72 heures pour se rendre dans une banque afin de changer la somme.

Une mesure complémentaire destinée à éviter l'évasion de devises, grande préoccupation de l'Argentine, taxera temporairement à hauteur de 20% les achats de devises qui ne seront pas versées sur des comptes d'épargne dans le secteur bancaire argentin.

Lors de la crise de 2001 et la faillite du système bancaire, les Argentins ont perdu les économies déposées dans les banques.

Après 40 ans d'inflation ou d'hyperinflation, la confiance dans le peso a disparu et ceux qui en ont les moyens épargnent en dollar. Les plus aisés ont ouvert des comptes à l'étranger, aux Etats-Unis, en Europe ou dans le pays voisin, l'Uruguay. Les plus petits épargnants conservent chez eux leurs économies en dollars.

Dans l'immobilier, les prix sont fixés en dollars, même si le paiement se fait officiellement en pesos.

Il faudra afficher un minimum de 7200 pesos de revenus déclarés, deux fois le salaire minimum, pour prétendre au change.

Selon l'économiste Rodrigo Alvarez, la libéralisation de l'accès au dollar ne va pas faire disparaître le «dollar blue (bleu)», apparu en 2011.

«Nous continuerons d'avoir un marché parallèle. Tout va dépendre de l'ouverture du robinet de dollars, il me semble que le robinet s'ouvre à peine», affirme-t-il.

Après l'annonce de vendredi, le dollar en vente au marché noir a reculé de 13 à 12 pesos. Dimanche, rue Florida, dans le centre de Buenos Aires, où les cambistes opèrent à la sauvette, il était descendu à 10 pesos.

Au taux officiel, il faut 8 pesos pour un dollar.

La semaine dernière, le gouvernement a fortement dévalué le peso face au dollar, 14% en deux jours, une mesure réclamée depuis longtemps par les exportateurs en quête de compétitivité sur le marché international.

Dimanche, le ministre argentin de l'Économie Axel Kicillof avait averti que la réforme visait à favoriser les petits épargnants.

Après 18% de dépréciation depuis le 1er janvier et 24% en 2013, le peso argentin s'est stabilisé vendredi à 8 pesos pour un dollar, une valeur qui correspond aux attentes du gouvernement.

«La mesure n'est pas mauvaise, mais elle est restrictive. Le gouvernement veut éviter que les réserves ne continuent de chuter», poursuit l'économiste.

La question des réserves (passées de 52 à 29 milliards de dollars en trois ans) et l'inflation sont les principales préoccupations du gouvernement de la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner.

Ce week-end, le gouvernement a lancé un avertissement à la grande distribution pour qu'elle continue d'appliquer l'accord avec l'État sur les prix de 200 produits, une initiative destinée à contenir une inflation officieusement supérieure à 25% par an.