À cinq mois de la Coupe du monde de soccer, spectacle planétaire où il espère montrer ses talents sportifs et économiques, le Brésil trébuche lamentablement: son économie piétine, l'inflation accélère dangereusement, les taux d'intérêt s'envolent et les investisseurs fuient le pays.

À une époque où les taux d'intérêt sont cloués à des creux historiques dans la plupart des pays industrialisés, le Brésil fait figure d'anomalie, car nulle part ailleurs on ne voit des taux d'intérêt grimper aussi vite.

Les conditions du crédit ont subi un autre douloureux tour de vis mercredi dernier: la banque centrale brésilienne a haussé de 0,5% son taux directeur pour le porter à 10,5%. En 9 mois, le coût du crédit a bondi de 325 centièmes dans la principale économie d'Amérique latine - une mesure draconienne visant à contenir une inflation alarmante.

Concrètement, cela signifie que les Brésiliens paieront encore plus cher pour financer l'achat d'une maison ou d'une automobile. Ce n'est pas ce qu'on veut entendre dans ce pays où les taux des cartes de crédit dépassent souvent les 120% et où le commerce de détail est le seul moteur économique qui fonctionne.

Le Brésil a eu beau sortir l'artillerie lourde, l'an dernier, pour combattre la montée des prix, rien n'y fait.

Le gouvernement de la présidente Dilma Rousseff a baissé les prix de l'électricité, réduit les taxes sur certains produits, contrôlé les prix de l'essence et des transports en commun... Pourtant, l'inflation frôle les 6% (" 5,9% en 2013). Qui plus est, le problème s'aggrave: en décembre, la hausse des prix a été particulièrement salée: " 0,9%, la pire performance mensuelle... en 10 ans!

Les investisseurs ne dansent plus

Le soleil et la chaleur ont beau être au rendez-vous environ un mois avant le flamboyant carnaval de Rio de Janeiro, les investisseurs n'ont pas l'esprit à la fête.

Comme on le signalait dans cette chronique la semaine dernière, les étrangers ont retiré 12,3 milliards US du Brésil l'an dernier - une fuite inégalée en 10 ans - contre une entrée nette de fonds de 16,8 milliards US en 2012 et de 65,0 milliards US l'année précédente, selon Bloomberg.

Et comble de malheur, le très influent Bill Gross, président de Pacific Investment Management (PIMCO) - gestionnaire du plus gros portefeuille d'obligations de la planète - y est allé d'une remarque assassine mercredi. Dans une webconférence, il a confié que le Brésil ne figure plus parmi ses titres préférés inclus dans un fonds de pays émergents de PIMCO. Autrement dit, le Brésil est «out» pour M. Gross.

Sans oublier que Moody's et Standard&Poor's menacent de dégrader la note du pays si ses finances publiques ne se redressent pas.

Un climat de méfiance s'est donc installé sur les marchés financiers. Le Trésor brésilien a dû payer le prix fort - soit 13,39% - au début de janvier pour vendre des titres de dette à 10 ans. Un taux de 13,39%, c'est environ trois fois le coût de financement ces jours-ci du Portugal, de l'Irlande ou de l'Espagne. On en est donc là: les pauvres «PIGS» de l'Europe attirent davantage les investisseurs que le «Jaguar d'Amérique latine». Le monde à l'envers.

Les problèmes

Évidemment, l'inquiétude actuelle témoigne des problèmes économiques du pays.

L'économie brésilienne a reculé de 0,5% au troisième trimestre de 2013; une première contraction depuis 2009 qui paraît très mal après des croissances de 5,0% ou plus au début des années 2000.

L'investissement privé est en baisse (- 2,2%), les exportations stagnent et même le puissant secteur agricole rétrécit (- 3,5%). Ne restent que les ménages pour tirer l'économie, avec une hausse de la consommation de 1% qui marque cependant un ralentissement par rapport à 2012.

«La fête est terminée au Brésil», déclare le Crédit agricole dans une note financière. «La croissance dépend trop de la consommation», ajoute la firme Capital Economics.

Chose certaine, le monde a changé depuis la crise financière de 2009, et les Brésiliens ont du mal à s'adapter.

Grand exportateur de matières premières, le Brésil a surfé sur la vague du prix élevé des ressources naturelles pendant 10 ans. Mais cette ère, alimentée surtout par la demande chinoise, est révolue.

Les manifestations ces derniers mois contre les débordements budgétaires de la Coupe du monde, la corruption et le coût des services publics viennent souligner les limites du «miracle brésilien». Des milliers de gens dans la rue qui critiquent le gouvernement, c'est du jamais vu en 20 ans.

Il reste que le Brésil a aussi de belles réussites à son bilan. Le taux de chômage est à moins de 5%. Les salaires ont augmenté, ce qui, avec le programme d'allocations familiales («Bolsa Familia»), a réduit les inégalités et gonflé le pouvoir d'achat d'une «nouvelle classe moyenne».

Mais le Brésil, berceau des meilleurs footballeurs du monde, vient de se faire montrer un carton jaune par les investisseurs. Et le pays dégringole au classement des stars de l'économie planétaire. Il est grand temps de changer de stratégie.