Le robinet à financement public du sport-business se resserre au Brésil où les autorités, échaudées par la fronde sociale de juin tentent de se refaire une virginité pour les élections de 2014, quitte à renier des contrats signés.

Soccerex, le plus grand rendez-vous annuel des VIP du monde du football (clubs, fédérations, commanditaires, titulaires de droits de retransmission), en a fait à son tour la douloureuse expérience cette semaine.

Les organisateurs ont dû annuler leur convention mondiale, prévue du 30 novembre au 5 décembre au stade Maracana, à quelques mois du Mondial-2014 de football. Motif: le gouvernement de l'État de Rio lui a retiré son soutien financier, craignant la vindicte populaire.

Le hic, s'est insurgé jeudi Soccerex, qui va réclamer réparation en justice, c'est qu'en «signant le contrat de ville hôte pour les quatre éditions de (sa) convention, le gouvernement de l'État de Rio s'était engagé à contribuer substantiellement à l'événement».

De fait, le Soccerex-2012 s'était déroulé à grands frais et sans anicroches au Fort de Copacabana, rélié par un passerelle à un hôtel de luxe de la célèbre plage carioca.

Depuis, le tsunami social de juin est passé par là, laminant sans distinction les cotes de popularité des grands acteurs politiques qui rejoueront leur mandat, peu après le Mondial, lors des élections générales d'octobre 2014: présidentielle, législatives, sénatoriales partielles, gouverneurs.

La colère des manifestants brésiliens contre les dépenses somptuaires pour le Mondial dans un pays aux transports, hôpitaux et établissements scolaires ultra-précaires a porté.

La présidente Dilma Rousseff, candidate a sa réélection, a fait voter une loi destinant les redevances des immenses champs de pétrole brésilien pré-salifère à l'éducation et à la santé. Elle a lancé un programme pour attirer des milliers de médecins étrangers au Brésil. Sa cote remonte dans les sondages.

Le financement public des événements sportifs n'échappe pas à cette opération-rachat.

L'affaire Soccerex n'est pas la première reculade du gouverneur de Rio Sergio Cabral, devenu le plus impopulaire du pays et la cible de prédilection des manifestants de Rio.

Fin juillet, il est revenu unilatéralement sur certains aspects du contrat, pourtant signé quelques mois plus tôt, attribuant la gestion du Maracana à un consortium privé pendant 35 ans.

Il a ainsi annulé la destruction prévue du parc aquatique et du mini-stade d'athtlétisme situés dans l'enceinte du complexe Maracana, lieux d'entraînement d'athlètes brésiliens pour les JO-2016 de Rio. Il est également revenu sur la destruction prévue aux abords du stade du Musée de l'Indien et d'une des meilleures écoles publiques de Rio. Ces installations devaient être remplacées par un stationnement et des zones commerciales.

Autant de revendications anciennes des opposants à la «privatisation du Maracana» auxquelles il était resté sourd... jusqu'aux manifestations de juin.

Rio n'est pas la seule concernée par cette lame de fond. Les procureurs fédéraux de cinq États du Brésil ont lancé en octobre une action en justice visant à faire payer à la Fédération internationale de football (FIFA) certaines installations provisoires dans les stades du Mondial : tentes de réception, salles de transmissions, aménagements pour la vente de produits officiels, etc.

L'État n'a pas à payer des «produits et services temporaires» ne présentant aucun avantage durable pour les Brésiliens, argumente le ministère public, qui veut ainsi faire économiser 550 millions de dollars à l'État brésilien sur une facture totale estimée à 15 milliards.

Comme Soccerex, la FIFA dénonce une tentative abusive de remettre en cause des contrats signés en 2007. «Aucun stade du monde ne peut accueillir une compétition comme le Mondial sans adaptations», argumente-t-elle.

Ces tensions illustrent aussi le sous-développement de l'économie du sport au Brésil, analyse sur son blogue Erich Beting, fondateur de Maquina do Esporte, un portail spécialisé dans le marketing du sport.

«Le marché du sport brésilien est totalement dépendant de l'investissement public pour financer de grands événements et ne parvient pas à capter des ressources privées», souligne ce spécialiste. «La preuve: les sommes immenses payées par le secteur public pour le Mondial et les JO».